III – Conceptions du techno travelling chez les membres de la Spiral Tribe
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Photo prise par Vinca Peterson quelque part en Europe

 

 

III – Conceptions du techno travelling chez les membres de la Spiral Tribe

 

 

Dans cette partie, je souhaite aborder tout ce qui touche de près ou de loin à l'expérience des membres de la Spiral Tribe . Je tenterai alors (tant bien que mal) d'essayer de définir ce qui caractérise le techno travelling . Je tiens à préciser que l'objet de mes recherches se porte sur l'univers des techno travellers, et non celui des new age travellers (si la question vous intéresse, je vous renvois à l'article d'Annick Delorme. Pulsation techno, pulsation sociale . éd. de Boeck. 2001). Pour y arriver, je prendrai exemple sur le parcours des Spiral Tribe , qui me semble être un des parcours typiques de ce genre de pratiques.

 

1 – Le groupe sur la route

 

Il ne faut pas oublier que le nom Spiral Tribe est un nom qui regroupe plusieurs pôles de pratiques. Comme nous l'avons vu, il en existe principalement deux  : celle des techno travellers et celle du «  département business  ». L'axe qui nous intéresse ici est celui des techno travellers.

 

Organisation du mode de vie techno traveller

Le mode de vie techno traveller est un mode de vie qui est avant tout choisi. Car si l'expérience de la Spiral Tribe nous montre que dans certaines situations, ce mode de vie est exclu, il ne faut pas oublier que les membres du groupe se sont volontairement exilés d'Angleterre, par convictions, par choix. Mais il ne faut pas non plus perdre de vue que cela conditionne l'organisation de ce style de vie. Car celui qui est prêt à faire ses bagages dans la minute, pour fuir ou simplement partir ailleurs, doit se plier à quelques conditions, techno traveller ou pas. Pour le cas de la Spiral Tribe, les membres se sont organisés en convoi de véhicules regroupés autour du sound system . Le véhicule est un choix stratégique, puisqu'il permet de déplacer un bon nombre de personnes ainsi qu'une certaine quantité de matériel. Il est donc intéressant de se pencher sur celui-ci.

1 - Le véhicule

Chaque techno traveller se confectionne un véhicule selon ses propres attentes, à l'exemple d'un jardinier qui souhaiterait composer son jardin selon ses préférences, ses moyens, … Il n'y a pas de véhicule type, car celui-ci est variable en fonction du mode d'engagement de son propriétaire. C'est plutôt certains détails qui font que l'on se penche sur un type de véhicule plutôt que sur un autre. Par exemple, le prix du véhicule est important. Généralement, le techno traveller cherche un véhicule à la portée de ses moyens (pas forcément énormes). Soit on trouve un véhicule d'occasion, soit on récupère le véhicule d'un autre traveller . C'est le cas du bus des Spiral Tribe (acheté en Angleterre) qui est passé de main en main ; des Spiral Tribe au Total Resistance, puis dans les mains des OQP. Simon des Spiral Tribe s'en est occupé ensuite pendant un temps, avant qu'il ne parte avec Kaos et les Sound Conspiracy pour l'Inde. La circulation des véhicules au sein de son groupe de relations est fréquent. Outre la question du prix, la capacité du véhicule est aussi quelque chose d'important. Les techno travellers ont souvent besoin de gros véhicules (camion, bus,…) pour transporter le matériel, et les effets personnels. Il ne faut pas oublier que le véhicule sert de transport, mais aussi de logement. Si le techno traveller détient beaucoup de matériel, son choix penchera en la faveur d'un gros véhicule ; si celui-ci ne possède que ses effets personnels, il voyagera dans un véhicule de moindre taille. Tout dépend de ce qu'il souhaite placer à l'intérieur. Le fait de voyager avec ses enfants, vous forcera à établir un minimum de confort (comme la douche, la cuisine,…). Pour reprendre l'exemple du bus des Spiral Tribe , celui-ci est prévu pour accueillir un mini studio au fond, puis trois couchettes superposées de chaque côté, un espace au centre avec un poêle à bois, et juste derrière la cabine du conducteur un endroit pour caler les platines et la table de mixage, face à une kitchenette. Cette disposition est prévue pour héberger plusieurs personnes et un important équipement sonore . Il existe cependant d'autre façons d'organiser son véhicule.

La plupart du temps, le véhicule est totalement retapé, puis installé par son propriétaire qui s'efforce du mieux possible de créer son propre espace, avec les moyens du bord. Parfois, l'association de plusieurs personnes sur un même véhicule peut avoir lieu. En règle générale, chacun choisi de se confectionner son propre véhicule, afin d'avoir un minimum d'espace personnel et de vie privée. Ce n'est vraiment que quand on n'a pas les moyens que l'on décide de s'associer à plusieurs, ou bien lorsque l'on commence à voyager.

L'entretien du véhicule est donc un point important. Les réparations effectuées font souvent appel aux capacités propres de mécanicien du techno traveller. Quand vous vous trouvez bloqué en plein milieu d'une départementale déserte sans un sou avec une roue à changer, une direction bloquée, ou simplement un véhicule capricieux, mieux vaut avoir quelques notions de mécanique… Le convoi est une façon de se prévenir contre ce genre de situation, en associant les quelques moyens possédés.

Le type d'essence utilisé est en général le gasoil (essence la plus répandue). Ce choix de carburant permet d'en trouver dans tous les pays. Le prix n'est pas tellement important, puisqu'une des façons très répandue chez les techno Travellers, est de se servir dans les réservoirs de gros véhicules de chantier. Ce principe est celui du «  siphonnage  ». Par exemple, la veille du départ du convoi ou lors de l'organisation d'une free party (les groupes électrogènes qui font fonctionner le matériel tournent la plupart du temps au gasoil), une équipe de quelques personnes prend une fourgonnette et part sur les routes aux alentours. Ils font le tour des chantiers pour repérer le ou les véhicules susceptibles d'être siphonnés. Parmi ces véhicules, certains roulent avec un carburant nommé communément le « rouge » (gasoil tinté d'un colorant, qui est détaxé pour les agriculteurs et les entrepreneurs de gros travaux). La particularité de celui-ci est d'évacuer lors de sa combustion une fumée noire. Que ce soit du « rouge » ou du gasoil, pendant que l'un fait le guet, un autre siphonne le réservoir à l'aide d'un tuyau et de bidons. Sur un véhicule comme un bulldozer, on peut récupérer plus de cent litres de carburant. La tournée s'effectue jusqu'à ce que l'on soit satisfait par le nombre de litres récupérés. On retourne ensuite au campement pour disperser le carburant entre les véhicules ou les groupes électrogènes. C'est d'ailleurs ces « tournées » qui font que la première chose que l'on remarque chez les techno travellers, c'est l'odeur de gasoil qui les accompagne . Ce gasoil, est une sorte de sang, qui alimente le nerf de toutes les opérations. Pouvoir circuler, avoir de l'électricité dans les véhicules à l'arrêt (à l'aide d'un groupe électrogène), et faire fonctionner le matériel sonore lors des représentations festives. Sans gasoil, le techno traveller n'a pas lieu d'exister. Il en est totalement dépendant. La pratique du «  siphonnage  » a cependant permis de réduire le coût des expéditions.

La plupart de ces véhicules nécessite un permis de conduire catégorie poids lourd. Il faut savoir que jusqu'à il y a quelques années, tout anglais ayant passé son permis de conduire, obtenait l'autorisation de conduire tous les types de véhicules jusqu'au semi-remorque. Ce qui a énormément facilité la tâche aux Spiral Tribe, faisant partis de cette catégorie . Quant aux suivants, certains conduisent sans permis, ou se rabattent sur de plus petits véhicules.

Le véhicule, vous l'aurez compris, est donc à double usage : d'une part il sert de moyen de locomotion, et d'autre part il sert de refuge, d'habitation. Sa réhabilitation s'organise autour des goûts de son ou ses propriétaires, et ne rentre pas dans un cadre prédéfini, si ce n'est celui de l'aspect pratique du véhicule. Enfin, le fait de vivre sur la route, demande bon nombre de qualités autodidactes, à savoir mettre en pratique le moment voulu.

Photo prise par Vinca Peterson

Je vous propose maintenant de nous pencher sur un des aspects de la vie du techno travelling  : le rythme de vie au quotidien.

2 - Rythme de vie

Vivre la fête durant plusieurs jours sans jamais s'arrêter et continuellement recommencer, bouleverse totalement le rythme de vie. D'un point de vue physiologique, le corps ne se cadre plus sur le rythme biologique naturel. Les repas ne sont plus à heure fixe, et on mange quand le besoin se fait sentir, ou lorsque l'on en a les moyens. Le rythme de sommeil est complètement déréglé puisque la fête commence généralement la nuit. On ne dort que quand l'épuisement vient à bout de nos propres ressources. Généralement, pendant une fête on ne dort que quelques heures sur plusieurs jours, puis on récupère ensuite, tout dépend du rythme de sommeil auquel notre corps est habitué. D'un point de vue psychique, l'état d'esprit d'un individu varie selon ses humeurs, son rythme physiologique, et surtout les drogues qu'il assimile. Car la free party amène forcément un jour ou l'autre l'individu à rencontrer la drogue et l'alcool. Tout cet ensemble fait, qu'au moins une fois on se soit retrouvé face à l'ultime limite de son propre corps (pourtant habitué à se surpasser), et que l'on s'écroule à même le sol incapable de supporter plus.

Mais lorsque l'on vit sur la route, tous les jours ne sont pas exclusivement tournés vers des pratiques hédonistes. Différentes périodes alternent entre un temps de fête et un temps de récupération. Ces différents temps sont organisés en fonction des objectifs du groupe. Par exemple, les temps de récupération seront beaucoup moins importants pendant la période estivale (période remplie d'évènements) que l'hiver. Ce temps de récupération peut être employé de différentes manières. Simplement se reposer au coin d'un lac, parfois même regarder la télévision ou s'occuper des réparations éventuelles sur le matériel.

Mais il existe aussi un temps, composé d'attentes interminables et de conflits incessants avec les autorités (police, mairie,…). «  Lorsque nous arrivions sur un site, nous nous installions rapidement. Quand nous squattions un entrepôt par exemple, il se passait quelques jours avant que la police vienne… Il lui fallait au moins trois semaines pour qu'elle réunisse les papiers nécessaires pour l'éviction, on avait largement le temps avant de partir !  ». (citation d'Alex de Radio Bomb). La vie sur la route est un mode de vie plutôt rude. Il faut savoir se protéger, protéger ses compagnons et son matériel. Les périodes alternent entre pratiques hédonistes et situations embarrassantes. «  C'est un choix  » (Alex de Radio Bomb). « Tu vis constamment avec des gens, soit en convoi d'une vingtaine de véhicules, soit avec quelques amis simplement  ».

Le rapport entre les hommes et les femmes ne diffère pas de celui que l'on trouve partout en France et en Angleterre. Les techno travellers ne sont pas réellement une tribu comme pourrait l'évoquer le nom Spiral Tribe. C'est plutôt une bande d'amis, un groupe de copains qui ont décidé de vivre une expérience ensemble. C'est un peu comme partir en voyage, simplement pendant un an ou plus avec tout ce que cela comporte. La femme n'a pas de rôle prédéfini comme faire à manger ou la vaisselle,… L'homme non plus. Pour le cas de la Spiral Tribe , chacun a sa tâche, en fonction de ses capacités. Celui qui sait s'occuper du groupe électrogène s'en occupe, celui qui sait mixer mixe,… et tout le monde s'occupe des tâches quotidiennes (nourriture, ravitaillement,…), dans une organisation qui dépend de ces acteurs. Les enfants par exemple, sont à la charge des parents qui s'en occupent de la même façon que quiconque non assigné à résidence. Ils ne vont peut-être pas à l'école, mais cela ne leur évite pas une éducation spontanée, organisée par les parents à leur soin. Il ne faut pas oublier que les techno travellers ne sont pas les vétérans d'une société archaïque, mais simplement une partie de la jeunesse occidentale qui souhaite vivre durant un certain temps l'expérience de la vie à travers le voyage. Une jeunesse qui avoisine aujourd'hui la tranche d'âge 25 - 40 ans, forte d'une décade de techno travelling . Elle a évolué dans l'affect musical, comme l'a fait auparavant la « jeunesse rock » et l'univers hippie.

Tout revient au choix que l'on fait. S'inscrire dans des pratiques conformes aux bonnes mœurs du quartier, ou pas. Le choix de vivre sans travailler n'est pas non plus une obligation. Chacun trouve son équilibre entre son rythme de vie et ses pratiques quotidiennes. Certains vivent de petits travaux pendant un temps, et rejoignent le groupe plus tard, d'autres ne vivent que du revenu minimum d'insertion (R.M.I.), plus la pratique du système D (pratique que je développerai plus loin). Par exemple Simon (un anglais, ami des Spiral Tribe ), m'expliquait qu'il travaillait un peu partout comme menuisier, puis, quand il avait réuni suffisamment d'argent, il rejoignait le convoi pour vivre un temps de fête, jusqu'à ce que ses moyens ne le permettent plus. Il est sûr que le modèle actuel qui régit nos sociétés, basé sur une stratégie d'ascension sociale et une concurrence acharnée pour l'obtention d'une promotion professionnelle, n'est pas le cadre de référence du techno travelling . Le travail -au sens où nous l'entendons- n'est pas l'objectif premier de ce mode de vie. Il n'en est pourtant pas moins lorsqu'un individu passe autant de temps et de conviction sur la réparation et l'utilisation de son matériel, même à des fins hédonistes. Car la part de facultés que l'on emploie quotidiennement dans un travail est simplement réinvestie ailleurs : dans une réelle passion techno. Que ce soit en s'occupant d'installer le matériel, de la restauration, ou encore du bar lors des soirées,… chacun met ses compétences au service d'un rythme de vie cadré par l'affect techno et son degré d'investissement dans ce mode de vie. Le mode de vie organisé autour du sound system n'est pas le seul, il est simplement le plus répandu. Car autour de celui-ci et de ses membres cohabite une multitude d'autres façons de survivre sur la route, tout en vivant l'expérience du techno travelling . Le sound system est simplement l'axe qui canalise les modes de vie basé sur le techno travelling.

A partir de là, chacun évolue comme il l'entend. Il n'y a pas de règle. Il peut très bien vivre l'expérience à fond sans émettre de réserve, choisir une hygiène de vie respectant ses attentes biologiques ou partir dans une culture du risque constant…

Le mode de vie techno traveller n'est donc pas régi par des attitudes particulières, si ce n'est les expériences d'une jeunesse marginale, cristallisées à travers les tumultes et les excès de pratiques festives techno. Chaque groupe a sa propre interprétation de ce mode de vie et des codes de conduite qui en découlent. Le fait d'avoir un chien, par exemple, n'est pas une obligation. L'image du techno traveller laissant son chien en toute liberté courir entre les véhicules, est une construction vulgarisée de ce mode de vie. Bien loin de dire que ce n'est pas une réalité, cette image véhiculée dans l'imaginaire social a contribué à l'attribution de caractères et de pratiques particulières dans ce mode de vie, qui ne l'étaient pas forcément à l'origine. Car si le techno traveller d'hier avait un chien, comme pourrait en avoir un « la grand mère gâteau » ; le techno traveller d'aujourd'hui, ne le serait pas vraiment (au yeux de tous) s'il n'en avait pas un. Outre le caractère affectif que peut procurer cet animal, il permet de garder un véhicule, de la même façon qu'une maison. Reste à savoir quelles espérances on place dans son animal de compagnie…

 

Vivre en communauté dans la Spiral Tribe

Le mode de vie choisi par les membres de la Spiral Tribe , est celui constitué autour du sound system. Ce sound system caractérisé par le matériel sonore et visuel est la clef de la vie en groupe. Il suscite une certaine attention, et sert de piston à la vie sociale. Sans lui, ce mode de vie n'aurait plus de repères. Les différents techno travellers qui interagissent en son nom, forment le groupe qui sera identifié par cette appellation. Ainsi on parlera des Spiral Tribe pour caractériser le sound system appelé Spiral Tribe , plus ses membres.

L'organisation du mode de vie en sound system des Spiral Tribe est un de ceux qui ont servi de modèle en France. La répartition du matériel se faisait entre différents véhicules. Ainsi, on obtenait un convoi de véhicules qui servait d'une part à l'habitation, d'autre part au stockage de matériel. Ce groupe était composé constamment de six ou sept véhicules, plus ceux qui décidaient de les suivre pendant un temps. En France, un amalgame s'est glissé entre le nom Spiral Tribe , ses véhicules respectifs  et le convoi total des techno travellers anglais qui se retrouvaient de temps en temps. C'est pour cette raison que les avis diffèrent sur la façon de vivre des Spiral Tribe . Cependant, quelques points sont similaires dans les interprétations et les dires des membres :

Le premier est que chacun est libre d'aller et venir dans le sound system , à condition qu'il mette ses capacités au service de la communauté. Il existait une hantise des squatters au sein du groupe. Car qui invite tout le monde à rejoindre l'aventure et à la vivre à fond, doit avant tout être sérieusement organisé, du moins en partie, pour éviter d'être pris au dépourvu. Chacun a un rôle à tenir. D'un côté les DJs, de l'autre les techniciens, les mécaniciens,… Chaque individu peut cependant endosser plusieurs rôles, surtout lorsqu'il s'agît d'une tâche annexe au sound system , comme garder les enfants, ou faire la cuisine. «  Quand tu entres dans la Spiral Tribe, on t'offre tout : la nourriture, les clopes, le logement si tu n'en as pas… Tout est en commun. Quand ton chien est malade, c'est la tribu qui paye le vétérinaire. Mais en contre partie tu as un rôle à tenir, et crois moi, tu bosses !  » (citation de Jérôme, qui est parti avec eux pendant quelques mois). L'organisation du groupe propose alors un mode d'engagement ambiguë : chacun peut aller et venir à sa guise, le plus librement possible ; mais les « non règles » font que chacun a sa place à tenir. Je ne parle pas ici de hiérarchie sociale, mais plutôt d'une organisation qui légitime les aptitudes personnelles, et favorise le bon fonctionnement du sound system. Ces aptitudes se concentrent principalement sur des qualités en rapport avec le métier du son, de la technique, ou de la mécanique. Mais d'autres qualités sont aussi appréciées, comme la débrouille ou le marchandage,... Des qualités qui permettent au groupe des avantages « en nature » comme les produits stupéfiants par exemple.

Un des points qui permet aussi d'affirmer le groupe en tant que communauté, c'est le partage des tâches quotidiennes. Là encore, il n'y a pas d'organisation typique. Chacun à tour de rôle s'emploie à faire à manger pour la communauté, ou faire les courses pour tout le monde. Tout est en commun. Si chacun veut un petit plus, c'est à lui de se le payer. «  Tout le monde est au même régime. Quand la tribu a de l'argent, on se paye des vrais paquets de cigarettes et de la bonne bouffe ; quand on n'en a pas, on est aux pâtes et aux cigarettes roulées…  » (citation de Jérôme). Une fois encore, il n'y a pas de tours prédéfinis, calculés, tout le monde est libre de le faire comme il l'entend, mais chacun se doit de respecter les « non règles » de vie commune, qui font que tout fonctionne sans structure, sans ordres.

La communauté organisée autour d'un sound system, notamment celui de la Spiral Tribe, ressemble étroitement à ce que Turner appelle la « communitas spontanée ». Turner utilise le concept de communitas pour définir une communauté non structurée ou structurée de façon rudimentaire et relativement indifférenciée, ou même une communion d'individus égaux. (Turner. 1990. p. 97). Pour lui, cette forme de communauté apparaît dans un temps liminaire, sorte de période intermédiaire pendant laquelle s'effectue une transition d'un état à un autre, d'une position sociale à une autre, voire d'une culture à une autre par le biais d'un rite de passage. Pour le cas présent, cette transition implique non pas un rite de passage au sens ou Turner l'entend, mais plutôt un passage de la vie qui coïncide avec l'expérience du techno travelling . Ce à quoi il fait référence dans ce concept de liminarité, c'est la présence « d'un moment dans le temps, et hors du temps  », dans et hors la structure sociale séculière, qui révèle une certaine reconnaissance d'un lien social global, avant que celui ci ne cesse d'être et d'agir sur l'individu. (Turner. 1990. p.96). Ce moment de transition, pendant lequel les structures sociales cessent d'agir et d'influer sur l'individu le vivant, permet l'apparition de cette communitas ; communauté dans le sens ou tout individu vivant la même transition partage par le biais de la camaraderie la même expérience. Ce choix de vie itinérante fait référence à une étape de ce passage inscrite (pour le cas présent) dans les profonds changements qu'ont subis les sociétés occidentales. Un des révélateurs de ce profond changement est l'apparition de mouvements sociaux (comme celui de l' acid house ), qui temporise et permet l'accès de zones temporaires d'expressions (la free party ) libres de tout contrôle (caractérisé par les autorités publiques). La Spiral Tribe est donc une sorte de communitas, au même titre que l'était le mouvement acid house ou que l'est le mouvement techno actuel. Cependant, c'est là qu'intervient la distinction entre communitas spontanée et communitas normative :

•  La communitas normative est la forme de cette transition qui finira par se structurer d'elle même. «  La communitas elle même engendre vite une structure dans laquelle les relations libres entre individus sont transformées en relations régies par des normes entre partenaires sociaux . » (Turner. 1990. p.130). Cette structuration prendra effet, et remplacera (au moins partiellement) celle qui l'a vu naître. Le meilleur exemple pour comprendre cette communitas normative est celui du mouvement house anglais qui -au terme d'un temps de manifestations- s'est structuré, jusqu'à retrouver un équilibre partiel avec l'univers musical qui l'entoure. C'est le destin de toute communitas normative que de passer par une phase «  d'effondrement » pour se retrouver dans la structure et la loi. (Turner. 1990. p. 130).

•  Ce qui caractérise la communitas spontanée, s'est justement le détournement de la structure par quelque moyen que ce soit. Elle ne peut jamais s'exprimer de façon adéquate dans une forme structurale, mais elle peut surgir de manière imprévisible, entre des êtres humains qui sont institutionnellement comptés ou définis comme membres de n'importe quel groupement social ou d'aucun. (Turner. 1990. p.134). C'est en ce sens que la Spiral Tribe s'exécute en tant que communitas spontanée. Car par l'instauration de ses « non règles » de vie quotidienne, elle a permis d'outrepasser la structuration des agissements, et de laisser libre cours au regroupement autour du sound system . La communitas spontanée a en revanche, une vie éphémère car sa suite logique est soit la dissolution du groupe, soit sa structuration. Pour le cas de la Spiral Tribe, celle-ci s'est fragmentée en une multitude de liens structuraux.

Il ne faut pas oublier que la Spiral Tribe est avant tout un regroupement de passionnés techno. La base communautaire s'est créée dans l'effervescence techno, et à permis à ses membres de transiter -à travers le techno travelling- d'une étape de la vie à une autre. De la formation à la dissolution du groupe, chacun en est sorti fort de sa propre expérience, et a continué son chemin dans un élan de structuration personnelle plutôt que communautaire. Car la communauté vue par les Spiral Tribe est simplement un moyen de survivre sur la route, plus qu'une idéologie particulière. Mais pour mieux comprendre le fonctionnement de la Spiral Tribe , il faut se pencher sur les rapports d'échanges entre les différents membres du groupe.

 

Rapports d'échanges entre les membres du groupe

La Spiral Tribe propose en théorie un rapport d'échanges entre ses membres, basé sur la liberté totale de chacun. Cependant, un bon nombre de pratiques démontre le contraire. Par exemple, l'identité du groupe se forge en partie dans la conformité vestimentaire et esthétique. Le crâne rasé pour tous les membres, la préférence pour les couleurs noires, sombres et d'une symbolique vestimentaire tournée autour de la guerre. Cette conformité n'a rien à voir avec l'expérience du voyage, c'est un choix préétabli dès le début de la création du sound system  ; ces attributs particuliers font partie du look de l'époque des squats de Londres. Un look fait de coiffures partagées entre la tonte du crane et les dreadlocks. L'expérience du voyage apporte plutôt le côté crusty aux membres : l'odeur constante du gasoil sur le corps, des vêtements sales, plutôt robustes qu'esthétiques,… Ce côté crusty , n'est pas non plus un mode d'expression. Le fait d'être «  crado  », n'est en rien un attribut identitaire. Le fait de voyager sans trop de moyens, entraîne simplement l'individu dans de longues périodes où l'impossibilité de se laver est effective. Chacun gère ensuite son hygiène corporelle selon ses dispositions plus ou moins grandes à supporter cet état physique. « Lorsque tu organises une free party, et que la fête dure pendant plusieurs jours, tu n'a pas forcément de point d'eau à coté, tu fais avec… cela ne t'empêche pas ensuite d'aller te décrasser dans une rivière ou ailleurs . » (citation de Jérôme). C'est en partie sur cet air de baroudeur que le participant de la free party se base pour constituer ses attributs esthétiques, voire identitaires. Mais ce n'est pas voulu.

Le milieu du voyage, est un milieu plutôt rude. Il faut savoir agir en conséquence. «  Dans la tribe, tu oublies tes soucis  » (citation de Yohann). Chacun fait en sorte que les affinités plus ou moins grandes entre les membres du groupe n'interfèrent en rien dans les différentes tâches du sound system . Ainsi on peut copiner pendant un temps, sans que cela n'engage quiconque. Les rapports ne sont pas non plus hypocrites. Bien au contraire, chacun se doit de respecter le franc parler pour aller droit au but. Le plus important est la tâche du groupe : le bon fonctionnement du sound system . C'est l'axe autour duquel s'adapte tous les comportements. Tant que celui-ci n'est pas menacé, chacun est libre d'agir selon son entendement.

 

Idéologie

Je ne sais pas si l'on peut parler de consensus idéologique chez les Spiral Tribe , du moins pour la façon de vivre au quotidien. Il fait plutôt référence à des lignes de conduite avoisinant de près ou de loin quelques valeurs anarchistes. «  You had to live it twenty four hours a day  » est plutôt un état d'esprit dominant. « Le vivre comme on le sens, mais le vivre à fond  » permet le libre accès à toutes formes d'idéologies, tant qu'elles ne mettent pas en péril l'équilibre précaire du groupe organisé autour du sound system . C'est ici la plus grande différence avec les new age travellers . Ceux-là ont décidé de vivre en dehors des organisations de types urbaines, par choix idéologique. Les techno travellers ont choisis de voyager, par choix pratique. Car le voyage permet la diffusion des valeurs techno du groupe. Ce n'est pas le voyage qui est important, c'est la propagation de cette passion techno. Comme je l'ai dit précédemment, avant d'être techno traveller, on est avant tout techno. Et c'est ici que l'idéologie intervient. Une idéologie musicale, qui rythme un mode de vie. «  La musique techno coïncide avec une période de ta vie  » (Citation d'Alex de Radio Bomb). L'idéologie qui en découle est personnelle. Chacun la développe à sa manière. « Make some fucking noise » est l'expression musicale d'un temps, qui a contribué à l'ancrage dans l'imaginaire des pratiquants techno d'une soi disant idéologie Spiral Tribe .

Mais en réalité, il n'y a pas une idéologie, mais plusieurs. Une pour chaque individu composant le groupe. Il est sûr que les idéologies musicales de chaque individus sont au moins pour un temps apparentées. Il est aussi possible que la passion techno ait grandi en même temps chez certains individus, et que le fait de partager les mêmes expériences amène à une considération idéologique similaire . Mais un jour ou l'autre chacun évoluera selon son propre parcours et ses propres principes. «  Ca c'est l‘aventure. Ca c'est créatif. Ca c'est mortel . » (Alex de Radio Bomb).

Le groupe s'est trouvé dans une Angleterre des années 90 et l'enseigne Spiral Tribe est la première forme de matérialisation d'une idéologie qui ne cesse d'évoluer. Une évolution idéologique régie par des pratiques, un parcours, une musique caractérisé par le terme hardcore . Hardcore techno comme moyen de recours pour une réorientation professionnelle, une façon de vivre, un sens de la vie qui ne nous convient pas. C'est ici la seul idéologie commune aux membres du sound system. Tout le reste n'est qu'une tentative qui avortera avant même que le processus de celle-ci ne soit complètement assimilé. C'est d'ailleurs pour cette raison que le sound system a connu tant de succès. Et c'est aussi pour cette raison que le groupe s'est séparé. Comme toute communitas spontanée, la volonté de structuration idéologique entraîne la fin de l'épisode Spiral Tribe sous sa forme sound system. Ce qui a réuni le groupe autour du sound system , c'est le partage des émotions et des expériences individuelles pour une musique techno , et non pas la dimension du dogme voyage.

Le voyage est un moyen d'expression ; la musique, un but. Le voyage amène le techno traveller de pays en pays, de ville en ville, ou plutôt d'espace urbain en espace urbain, comme de véritables forains. La musique dirige les choix du techno traveller dans sa vie. Le choix de vivre en accord avec ses convictions, celle des autres ou non ; le choix de vivre cette expérience en s'engageant dans un mode de vie qui s'épanouit autour d'un sound system.

Finalement, si le sound system est l'âme de l'univers techno des free parties , si le gasoil est le corps du voyage techno , tout ceci n'est rien sans l'apport de l'énergie qui canalise l'ensemble : le public techno des free parties .

Photo prise par Wilfrid Estève lors d'un teknival

2 – Spiral Tribe ou « les forains » de la musique techno

Le terme forain est employé ici pour caractériser le cycle des manifestations techno inhérent aux techno travellers . L'exemple du forain itinérant et de son manège, est le meilleur modèle auquel on peut se référer pour expliquer l'organisation des évènements de la Spiral Tribe. Ce forain s'emploie continuellement à monter son matériel, effectuer sa prestation, puis re démonter son matériel, pour recommencer ailleurs, de façon cyclique. Le but du sound system itinérant - et je tiens à le préciser, car de plus en plus le sound system se redirige vers un mode de vie semi-itinérant – est de proposer un moment festif qui se reproduit de lieu en lieu. Tous les moyens sont orientés vers l'organisation de cette fête. Une des différences entre la fête foraine et la free party , c'est le cadre dans lequel évolue la fête : pour la première, le cadre est plutôt légal ; pour la seconde, il est illégal. La fête foraine s'établira dans une zone urbaine ; la free party aux alentours. Mais toutes les deux s'adressent à un public, qui permet à ses acteurs de vivre ou survivre sur la route.

Photos d'une free party itinérante prises par Vinca Peterson

 

Mode d'organisation d'une free party

De nombreuses études se sont déjà penchées sur le cas de la free party. Elles se sont interrogées sur les nombreux aspects de cette pratique festive, notamment sur l'étude des pratiques et comportements de ses participants. Dans cette partie, je souhaite concevoir l'organisation de la free party non pas par l'axe des participants, mais par celui d'un sound system itinérant. Celle-ci se compose en cinq temps :

1 – Le repérage du site.

Cette étape se met en place assez rapidement. Généralement lorsque le convoi arrive à destination (par exemple une ville ou un département), le gros du convoi s'arrête temporairement dans un lieu, pendant que le reste part à la recherche d'un site «  potentiellement squattable  ». Il n'y a pas de règles spécifiques pour choisir un lieu, si ce n'est qu'il doit pouvoir accueillir tout le convoi. L'accès doit être suffisamment grand pour permettre aux poids lourds de passer. Ce lieu peut-être un entrepôt, un champ, une grotte, un pont,… L'important est que le convoi ne se fasse pas remarquer avant le début de la fête. Il arrive souvent que les propriétaires du terrain réagissent assez rapidement. Intervient alors de pénibles heures de discussion pour négocier l'accès du site au convoi. Une fois que le convoi a pris possession du lieu, il est très difficile de le déloger. Robert, volontaire de Médecin du monde (antenne médicale qui intervient dans les free parties ) me racontait que lors d'un teknival, un des techno traveller avait placé son véhicule en travers de la route, bloquant totalement l'accès au site. Parfois, les techno travellers font preuve d'ingéniosité incroyable pour s'installer sur un site. Lors d'une free party organisée par le convoi de techno travellers anglais dans une carrière près de Fontainebleau, un roc de la taille d'une maison bloquait l'accès au site. Ils l'ont solidement attaché à un dizaine de poids lourds, et l'ont remorqué jusqu'à ce que le site soit accessible à tous les véhicules.

Une fois sur place, le deuxième temps se met en place : le montage du matériel.

2 – Organisation spatiale du site

Photo prise par Vinca Peterson

La première chose est d'installer l'espace de vie. Car avant de penser à l'organisation du site pour la fête, ce lieu sera avant tout un espace d'habitation, pour un temps. Généralement, chacun se confectionne un petit coin personnel provisoire, tout en s'organisant pour que le déchargement du matériel soit le moins difficile possible. Les véhicules sont garés les uns à coté des autres pour permettre d'étendre des bâches. Au fur et à mesure, le site prend une véritable allure de camping sauvage. Le lieu de vie est en générale séparé du lieu de fête par une limite faite soit de véhicules, soit d'un mur d'enceinte. L'organisation des véhicules et du matériel permet de délimiter un espace clos, réservé aux organisateurs.

Ensuite, les efforts se tournent sur l'organisation de l'espace festif. Chacun connaît son rôle. On décharge, on place les enceintes, les échafaudages, la décoration,… Les techniciens assemblent, connectent les différentes parties du matériel, pendant que d'autres s'occupent du groupe électrogène. Tout est maintenant organisé autour d'un mur d'enceintes qui est le point culminant auquel se greffe le reste des espaces. Le matériel technique comme les amplis, les platines et la table de mixage sont habituellement disposés derrière ce mur qui forme une barrière entre le dance floor et l'espace technique. Un ou plusieurs espaces sont réservés pour la vente de boissons, disques,… Petit à petit le site passe d'une allure de camping sauvage, à celui de manifestation techno, de free party aux goûts bien particuliers de ses organisateurs. L'organisation est toujours faite de petits contre temps, qui repousse généralement la venue de la musique en fin d'après midi, voir juste avant le début de la fête. Une fois le site organisé pour la fête, chacun peut fignoler son petit coin, en déplaçant un véhicule, en retendant une bâche,… Le sound system des Spiral Tribe comptait plus de 30 kilowatt de puissance. Pour installer un système de cette ampleur, cela prend beaucoup de temps. Il fallait compter entre 1 jour (si les conditions le permettent) et 3 jours. Bien évidemment tout le système ne tournait pas à chaque représentation.

3 – Mise en place du réseau d'information

C'est le troisième temps. Il permet de prévenir les amateurs du genre, qu'une soirée est organisée aux alentours. L'information se fait à l'aide de deux moyens : l' infoline et le flyage. Le fly est le bout de papier sur lequel est présenté brièvement la date de la fête, le numéro de l' infoline et le nom de l'évènement. Le nom du sound system était marqué au début des années 90, mais très vite la mise en place graphique du fly remplacera le nom du sound system et servira de signature pour qu'un œil avertis puisse le reconnaître. Ce fly est imprimé sur du papier et le tirage sera de plus ou moins bonne qualité suivant les moyens du sound system . Le fly des Spiral Tribe était imprimé en noir et blanc, par manque de moyens : ce qui lui donnait une touche plutôt austère (c'est ce qui a contribué en partie à la formation d'une réputation au groupe). Ce bout de papier est alors distribué soit dans la rue, soit simplement déposé dans un magasin spécialisé en musique techno. Ces derniers temps (en vue de la législation mise en place par le gouvernement), l'information se cantonne à l' infoline qui se passe de bouche à oreille. Ce moyen de communication a pour principe de laisser un message que l'on peut consulter à l'aide d'un numéro de téléphone et d'un code. En France par exemple, le numéro est 36 72. Un message enregistré vous demande de faire le code de votre boite vocale à l'aide des touches du téléphone. Ainsi, vous tombez sur un message laissé par le sound system qui confirme ou non l'événement, mais ne laisse aucune autre indication. L'information « se débloque » en général quelques heures avant l'événement. Ce qui permet d'éviter jusqu'au dernier moment la venue des autorités. Elle informe de l'endroit de la fête, ainsi que comment s'y rendre à partir d'un point de rendez vous généralement laissé sur le premier message de l' infoline ou sur le Fly. A l'heure et au point de rendez vous les participants se rejoignent et la fête peut commencer… Bientôt le site verra l'arrivée par vagues successives de nouveaux convois, mais cette fois ci, composés de voitures et de petits camions.

4 – Le temps de fête

Cette quatrième étape est le but de la manœuvre. Tous les efforts sont récompensés par la venue des participants. Mais le plus dur reste à faire. Savoir gérer le temps de fête, de

sommeil, et de travail. Dès les premières arrivées, chacun est à son poste : les DJs se relaient aux platines et font tourner la musique, les mécaniciens au groupe électrogène (celui des Spiral Tribe était un groupe électrogène de l'armée de plus de 40 kilowatts ; il nécessitait une certaine surveillance), les autres membres soit au bar, soit à la vente de disques, ou à la garde des enfants. Un des membres s'occupait de « l'entrée », en demandant une donation à chaque voiture. Un peu d'argent, une cigarette, un peu de drogue,… «  Façon de pouvoir assurer le bon fonctionnement des amplis  » (Citation de Simon). Les fêtes des Spiral Tribe sont restées gravées dans les mémoires des participants. Certains en ont gardé un excellent souvenir, d'autres un peu moins… «  Je me souviens, quand les spis débarquaient dans la région, c'était le feu !!! Leurs teufs (fêtes) étaient méchantes. Du son de fou, une ambiance excellente, et des produits de malade…  » (citation d'un participant à l'époque des free party organisée en 95 autour de Montpellier). « L'horreur, j'ai jamais passé une soirée comme ça. Ces gars-là (au sujet des Spiral Tribe) sont vraiment tarés. Une ambiance complètement glauque, faites de stroboscopes et de hardcore. Il y avait même des gens qui dansaient dans une marre de sang. Quelqu'un s'était éclaté la tête par terre contre un tesson de bouteille, et personne ne faisait rien. Il y avaient même une anglaise toute défoncée qui courait après tout le monde avec une machette !! Plus jamais . » (citation d'une participante à l'époque du passage des Spiral Tribe au C.A.E.S.). Les free parties génèrent énormément d'effervescence, surtout quand plus de mille personnes se retrouvent autour d'un mur d'enceinte disposé en façade ou bien en quadriphonie (les enceintes sont réparties en quatre parties, qui entourent le dance floor ). Les débordements sont souvent inévitables. Le but des membres est alors avant tout de protéger le matériel. Car la fête techno renvoie au concept de la zone autonome temporaire (concept que j'expliquerai un peu plus loin).

La fête peut durer pendant plusieurs jours, ce qui est d'ailleurs une de ses caractéristiques attrayantes. Pendant ce temps, les DJs se relaient nuit et jour sans stopper la musique. Les Spiral Tribe permettaient à tout le monde de jouer à des heures particulières (par exemple la journée). Les soirs étaient souvent réservés aux DJs phares du groupe (comme Ixy ou Kaos). Sur ce temps de fête, chacun se relaie tour à tour aux différentes tâches, et on ne dort que quand l'épuisement se fait sentir. On se repose une heure ou deux, puis on se remet à son poste.

5 – Fin de la fête, départ du groupe.

Quand le dernier groupe de participants commence à s'amenuiser, et qu'il ne reste plus que quelques «  chépers  » (au sens de perché, qui définit l'état d'une personne qui a poussé l'expérience de la drogue jusqu'à un certain point), le groupe commence à remballer. Chacun s'y attèle donc avec les quelques forces qui lui restent. Généralement, on commence à ranger le gros du matériel (caissons de basses, satellites,…) tout en reculant jusqu'à l'ultime minute l'arrêt définitif du son. L'état physique des membres est à la limite du supportable. Imaginez, passer un jour ou plusieurs à monter le son, plusieurs à faire la fête, et maintenant recharger le matériel dans les véhicules. Le travail ne se fait plus avec la même efficacité qu'à l'arrivée. Le participant, lui ne voit que le côté festif (côté qui est d'ailleurs très bien analysé par les études précédentes) : il arrive en général entre 1 et 3 heure du matin, et repart sur les derniers morceaux de la fête ; mais le temps d'activité du sound system est deux fois plus important. C'est le premier arrivé, et le dernier parti. Quand le matériel est rangé, le site nettoyé (cela dépend du sound system ), chacun peut enfin s'occuper de soi. On décide de trouver une rivière ou un lac (pour les saisons estivales), autour duquel on peut s'installer et prendre quelques jours, ou simplement se faire un décrassage rapide avant de se diriger vers la prochaine étape. Les saisons fraîches, on se retourne sur les douches des espaces publics, ou simplement celle d'un particulier que l'on connaît. Une fois que les membres ont suffisamment récupéré pour repartir, ils se mettent en route pour la prochaine représentation.

Je tiens cependant à faire la remarque que le mode d'organisation d'une free party organisée par un sound system itinérant est quelque peu différente de celle d'un sound system semi-itinérant. Car cette dernière est vraiment établie sur les mêmes bases qu'une représentation artistique, du même type que les tournées musicales d'un groupe par exemple. Ses organisateurs vivent sur la route. Le sound system semi-itinérant ne sort que pour mettre en place un événement comme un teknival ou simplement une free party dans sa région. Les membres de celui-ci poussent leurs limites physiques jusqu'au maximum, en sachant qu'ils pourront récupérer sur la période de non activité du sound system . Chacun rentre chez soi et s'occupe de sa remise en forme dans un cadre qui n'est pas celui des techno travellers. Ils retourneront dans la vie sociale qui les voit évoluer, comme un travail, une vie de famille sédentaire,…

 

La fête comme moyen de vivre et survivre sur la route

La fête est l'axe qui permet de relier sa passion pour la techno à un moyen de subsistance. Car c'est celle-ci qui permet au sound system itinérant de trouver l'apport financier nécessaire pour assurer un certain train de vie à ces membres. La Spiral Tribe avait trouvé ce moyen pour permettre de respecter ses convictions (comme la gratuité de la représentation), et réussir à survivre sur la route. Ainsi lors de la fête, se mettait en place différentes stratégies pour permettre au sound system de remplir son fond de caisse.

1 – La pratique de la donation.

Cette pratique est à l'origine un moyen de pouvoir effectuer des réparations sur le matériel. Un ou plusieurs membres se mettaient à l'entrée, interpellaient les différents véhicules qui arrivaient sur le site, et leurs demandaient une petite contribution à chacun. Ce n'est pas le même principe que le billet d'entrée, puisqu'à l'origine la free party était organisée à l'attention des individus ne pouvant pas débourser un sou. Il se mettait alors en place d'autres formes d'échanges, comme la donation de cigarettes, d'alcools, ou encore de drogues. Chacun devait alors « mettre du sien  » pour permettre au sound system de continuer dans sa démarche de gratuité. Le principe est en théorie le même que celui des messes dans les églises catholiques. Un enfant de chœur passe dans les rangs, « au bon cœur de ces messieurs dames ». A la différence près que les deux organisations ne chassent pas sur les mêmes terres, les mêmes porte-feuilles. Cette pratique s'est vite répandue dans les fêtes techno gratuites. Sur certains évènements, celle-ci devient même obligatoire, et il s'est vue dans certains cas le refus de l'accès au site, sans une contribution. Plus la fête accueille de monde, plus les chances pour cette quête techno de réussir sont grandes.

2 – La vente de boissons et nourriture.

Cette pratique permet d'apporter un apport financier plutôt important. Car si l'entrée de la fête est gratuite, les consommations ne le sont pas. Et dans un cadre comme celui de la free party (par exemple en pleine nature), la vente de boissons n'est pas sujette à une rigoureuse inspection et ne court pas les champs. Les sound systems mettent alors en place des bars clandestins, dont tous les bénéfices seront empochés. Cette source de revenus est l'une des plus importantes. Comme tout événement festif, celui de la free party suggère la consommation de boissons et de nourriture. Les participants pourront alors dépenser leur argent comme en club ou en concert. Les prix des consommations ne sont cependant pas aussi élevés que dans ce type de lieux et s'apparentent plus à ceux d'une fête de village. Les boissons les plus fréquemment vendues sont les bières, les sodas ou encore les bouteilles d'eau. Les alcools forts sont très peu vendus car ils nécessitent un apport financier plus important, et se marient de façon générale très mal avec l'emploi de substances psycho-actives. La vente de nourriture n'est pas aussi régulière que celle de l'alcool. Elle demande plus de travail (du moins en amont), mais elle permet néanmoins une bonne rentrée d'argent. Elle s'établie sous la forme de grillades, ou d'une vente de sandwichs froids.

3 – La vente de disques ou mix tape .

Celle-ci est une des pratiques les plus fréquentes. Lors d'une représentation, un stand est généralement consacré à ce type de vente. Dans le cas des sound systems itinérants, la production musicale est une des matières premières des échanges. Elle consiste à mettre en place un espace d'écoute qui permet à l'aide d'une petite sonorisation (parfois même se limitant au casque), de faire écouter aux participants les différentes productions musicales :

•  Le disque vinyle.

Les techno travellers sont ou étaient pour certains d'entre eux la référence musicale du style de musique diffusée dans les free parties . Ils créaient leurs morceaux dans leurs studios itinérants, et les faisaient presser par des entreprises en France, en Angleterre ou dans les pays de l'est (prix du pressage moins cher). Aujourd'hui, les réseaux de fabrication se sont réorientés avec les pratiques actuelles (notamment celle des sound systems semi-itinérants). Les techno travellers se déplaçaient généralement jusque dans le pays, ou se servaient de leur réseau de connaissances (pour la Spiral Tribe, le réseau network 23). Ils pressaient le morceau à une centaine d'exemplaires tout au plus, puis les vendaient ou les troquaient lors de leurs soirées et pendant leurs haltes dans les villes. Plus tard, lorsque les magasins techno ont commencé à apparaître, les propriétaires de ces derniers, leur en achetaient ou leur passaient une commande. Le disque vinyle est devenu la référence type de ce genre musical pour tous les DJs (amateurs, semi-professionnelle,…) du genre.

•  La mix tape.

Cette enregistrement musical sous forme de cassette et plus tard de compact disc, est un moyen de vendre sa production musicale (établie en un mix de morceaux techno) plus rapidement. Les participants à la fête sont plutôt amateurs de ce genre de production (je m'étendrai plus longuement sur ce sujet lors de la quatrième partie). Avant les représentations ou même pendant, les DJs du sound system enregistraient leurs performances pour pouvoir les vendre ensuite. Le support cassette a été le premier, puisqu'il permettaient un moindre investissement. Le compact disc ne servira de support que bien plus tard avec sa vulgarisation dans les milieux non professionnel. Je vous rappelle que les techno travellers de l'époque n'empruntaient pas les réseaux habituels de professionnels de la production musicale.

En plus de la vente de production musicale, la Spiral Tribe proposait un service de réparation ou d'entretien du matériel sonore, visuel et électronique avec son « Engineer23 ». Tim, l'un des membres, s'en occupait en proposant des prix plutôt intéressants par rapport au marché.

4 – La vente de produits psychotropes.

La drogue a toujours été un moyen de renflouer ses fins de mois. Les différents sound systems ont toujours eu un rapport étroit avec l'utilisation de drogues. Certains ont même endossé le rôle de dealer pendant les soirées. Cependant, le but du sound system est avant tout de produire des évènements techno et de jouer la musique. Il est vrai que les DJs utilisent souvent la drogue comme support à leur élan musical. Celle-ci a souvent été l'objet de troc, ou de marques de reconnaissance. Par exemple, le participant offrira un joint (cigarette de cannabis) ou un ecstasy au DJ qui lui a plu pour engager la discussion. L'échange de disques se fera contre de la drogue,… Pour le cas de la Spiral Tribe , il semble que le noyau du groupe se concentrait plus sur l'organisation de la fête que sur la vente de drogues. Ils avaient mis en place avec nombre de dealers une certaine forme d'échange. Il leurs permettaient de vendre leurs produits psychotropes pendant les fêtes, en échange d'un approvisionnement constant en produits.

La Spiral Tribe a donc choisi de vivre sur la route de la même façon que le mode de vie forain. De véritables forains techno qui assurent leur subsistance dans les rapports qu'ils échangent avec l'amateur de free parties . Un rapport financier, qui se caractérise par la vente de divers produits ; un rapport d'échange, caractérisé par le troc des différentes productions musicales ; un rapport festif, qui permet la vente ou l'échange de produits (drogues, alcools,…) consommables lors du temps festif. Un mode de vie réadapté au cadre festif d'une musique techno, qui permet de vivre, ou survivre sur la route, tout dépend de comment on appréhende son niveau de vie.

 

Zone autonome temporaire (T.A.Z.)

Le concept de zone autonome temporaire a été développé par le philosophe anarchiste américain Hakim Bey. Cette expression est devenue au cours de la fin des années 90, l'expression qui caractérise le mieux le cadre de la free party. Bon nombre de participants se sont retrouvés dans les dire de Bey. L'amalgame entre le diminutif T.A.Z. (Temporary Autonomous Zone en anglais) et l'expression «  taz  » (utilisée pour définir la pilule d'ecstasy) en a séduit plus d'un. L'auteur propose une définition de sa zone autonome temporaire à l'aide d'exemples comme la piraterie du 18 e siècle, la prolifération de hackers (pirates virtuels) sur Internet, ou d'une critique du concept de révolution. Il conçoit celle-ci comme un soulèvement à caractère festif, qui remet en cause et critique les différentes formes de révolutions déjà établies contre toutes formes d'autorités. Il met l'accent sur le sens tactique de la disparition des T.A.Z. (Bey. 1991. p.62), et leurs caractères artistiques (Bey. 1991. p. 67). Petite cousine de la guérilla, la T.A.Z. est selon lui comme une insurrection sans engagement direct contre l'état, une opération qui libère une zone (de terrain, de temps, d'imagination) puis se dissout avant que l'état ne l'écrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou l'espace. (Bey 1991. p. 14).

La free party propose aujourd'hui une forme contemporaine de T.A.Z . A l'époque du mouvement acid house en Grande Bretagne, la free party était simplement un moyen de faire la fête gratuitement, du moins avant que les autorités anglaises n'interviennent. La communitas spontanée du techno travelling a érigé alors un cadre festif assimilé à la T.A.Z., qui tolère la prolifération de pratiques festives déviantes. Une T.A.Z., qui loin de l'idéologie de Bey, a permis l'émergence non pas d'une rébellion idéologique de « la noble cause », un peu permissive (comme l'auteur nous le présente), mais bien d'un espace de liberté totale, hédoniste qui se laisse vite déborder par toutes ces pratiques que la société rejette.

Paysage psychotrope

Le monde du techno travelling est constamment cerné par ce paysage psychotrope. D'une part parce que le cadre de la free party permet la profusion de ce type de rapports marchands (ex : la vente de drogue) ; d'autre part parce que l'évolution des pratiques festives techno s'est faite en parallèle avec celle de la prise de drogue à des fins hédonistes. Car la perception des émotions que suscite la musique s'est vue en tout temps, en toutes circonstances, démultipliée par l'utilisation de substances psychotropes. Ce que j'appelle l'expérience 23 (participation à une fête des Spiral Tribe ) est parfois basée sur la prise de drogue en vue d'agrémenter le côté émotionnel déstabilisant que suscite les free parties et la musique techno. Le rite (si l'on peut l'appeler ainsi) de prendre une pilule d'ecstasy ou un buvard d'acide pour sa première expérience techno est bien réel. C'est d'ailleurs celui-ci qui déterminera (en partie) son aptitude à accepter ou rejeter ce type de manifestation. Dans une free party, il n'est pas rare d'assister aux différents protocoles qui englobe l'utilisation de la drogue. Voir quelqu'un rouler une cigarette de cannabis, sniffer de la cocaïne ou de la quétamine ; ou simplement vivre l'expérience des effets que procure un produit, est monnaie courante. Les fêtes des Spiral Tribe par exemple, étaient réputées pour vivre l'expérience de l'acide.

On peut classer vulgairement (et de façon non exhaustive) les drogues dans trois catégories : celles qui permettent une certaine socialisation ; celles qui vous enferment dans les méandres de votre esprit ; et celles qui vous permettent de tenir le coup pendant la fête. Ce sont ici les trois références que j'ai remarquées dans le milieu techno.

•  Les « drogues sociales » sont par exemple le cannabis ou l'ecstasy. Le cannabis permet un premier contact (Partager un joint dans un groupe, ou le fumer avec le DJ qui vous a plu). L'ecstasy vous fait ressentir l'expérience d'empathie sociale et lève les inhibitions. Le cannabis est très utilisé chez les techno travellers anglais . Le côté voyage n'y est en rien, c'est plutôt une habitude festive anglaise de ce type de manifestation. L'ecstasy est plutôt la drogue d'un premier temps, celui des nouvelles expériences. L'étape suivante est l'utilisation de drogues qui favorisent selon son utilisateur, la création artistique ou la compréhension du monde.

•  Les drogues qui vous font « tripper  » (vivre une grosse expérience hallucinogène et mentale) sont de l'ordre du L.S.D. ou de la quétamine (anesthésiant pour éléphants utilisé en Inde). Elles vous font vivre la situation vécue avec une sensibilité émotionnelle et physique démultipliée, que celle-ci soit agréable ou non. Elles amènent la déformation de l'espace temps et une expérience de la soirée hautement individuelle.

•  Les drogues qui vous permettent de tenir le coup sont de l'ordre des amphétamines. Elles permettent de vivre la fête le plus longtemps possible, en altérant la réalité et en étouffant les sensations de fatigue corporelle. Ces drogues sont souvent employées par les techno travellers afin de pouvoir tenir tout au long de la représentation.

L'utilisation des drogues n'est cependant pas une obligation. Certains techno travellers « fonctionnent » souvent sans prendre certaines drogues. Les drogues les plus souvent utilisées sont le cannabis, et moindre, l'alcool. L'expérience des drogues comme l'acide font l'apanage d'un temps plus ou moins long, suivant si l'individu est enclin à ce genre d'expériences.

Chez les Spiral Tribe , malgré les dires, l'utilisation de drogues était omniprésente. Le mythe de la marmite (même s'il reste à confirmer), selon lequel le groupe faisait un mélange d'acide et de jus d'orange dans un récipient pour le distribuer, en est bien énonciateur. Il faut simplement tenir compte que dans une entité comme celle de la Spiral Tribe ou «  si tu viens tu es un Spiral Tribe  », bon nombre de pratiques déviantes qu'on leur attribuait peut certainement être celle d'autres individus, pris pour des membres. Généralement, le mot Spiral Tribe était employé par les participants pour définir le groupe méconnu de techno travellers anglais, qui englobait le sound system des Spiral Tribe (plus d'autres parfois), et tous les anglais présents aux fêtes. Le noyau du groupe utilisait certainement de la drogue (comme les DJs), mais à outrance, cela reste à confirmer.

La Spiral Tribe s'est confrontée plus d'une fois aux autorités locales. En France par exemple, la période sur laquelle le groupe organisait des soirées, est un moment qui n'avait pas encore de structures légales comme l'Angleterre de 90. La plupart des soirées du début, n'ont pas été interrompues par des interventions policières. Le cas le plus fréquemment remarqué, était l'attente des forces de police jusqu'à la fin de l'évènement, puis la conduite du convoi en dehors de son territoire d'intervention. Il n'était pas rare alors de voir un officier de police partager, le temps d'un itinéraire, la cabine du véhicule d'un techno traveller.

La France mis en place assez rapidement de lourdes interventions comme en Angleterre. La B.A.C. (brigade anti criminelle) fut notamment l'arme d'intervention de l'état. Une free party co-organisée avec le sound system U.F.O. dans un entrepôt de la région parisienne fut écourtée par la B.A.C. L'intervention musclée pris des allures de western. Les matraques fusèrent, et les danseurs furent expulsés par la force. six ans après l'Angleterre, la France commence à s'organiser, pour limiter les débordements.

Finalement, la Spiral Tribe s'est basée sur un mode de vie itinérant organisé autour du sound system. La survie du groupe dépend des soirées qu'il organise, et que seul le sound system est capable de générer. C'est pour cette raison que sans sound system , les différents modes de vie du techno travelling n'ont pas lieu d'exister. Les membres de la Spiral Tribe ont su trouver différentes sortes de moyens pour survivre au fil des routes, et permettre de continuer à agir selon leur entendement. Des entendements qui vacillent constamment entre un idéal techno personnel et des pratiques festives souvent illégales.

 

3 – Concept de carrière dans le groupe

 

Je souhaite me consacrer dans cette partie à l'évolution des pratiques des membres du sound system . Je me baserai essentiellement sur le concept de carrière développé par Howard S. Becker (Outsider.1985). Le cas qui m'intéresse principalement est celui des DJs de la Spiral Tribe à travers leur parcours musical .

 

Comment devient-on techno traveller,  membre d'un sound system

Je pense qu'il existe trois étapes qui permettent une interprétation correcte de l'intégration d'un individu dans le techno travelling. La première est l'adhésion de l'individu au phénomène free party  par la passion que lui procurent l'affect musical et les pratiques qui en découlent ; la deuxième est l'investissement de celui-ci dans le phénomène par une semi-professionnalisation ; la dernière est celle qui caractérise le passage à l'acte par une transgression des normes socialement établies, pour adhérer à celle du techno travelling .

1 – Passion musicale et sentiment de révélation

Pour bien comprendre cette étape singulière qui permet l'adhésion d'un futur membre de la Spiral Tribe aux pratiques festives techno, il faut se replacer en premier lieu dans l'Angleterre des années 90. A l'heure où la house music arrive en Grande Bretagne et rencontre les différents modes de vie anglo-saxons, cette musique bouleverse les habitudes auditives des clubbers Anglais et des amateurs de la scène underground. Ces individus rencontrent pour la première fois une musique qui redimensionne la pratique festive, en réinterprétant les modèles déjà établis (clubs, festivals,…) et en leur donnant un souffle nouveau. Cette « innovation » dans les pratiques festives conditionne le participant à de nouvelles formes d'expressions hédonistes qui se matérialisent à travers le champ musical techno. Comme nous le dit Mark Harrison, «  la house arrive et la séduction commence  ».

La passion techno se révèle alors à travers une alchimie entre house music et pratiques festives remodelées. A ce stade, les deux ne sont pas dissociables : car si la house music - et plus tard l' acid house - entraîne un renouveau dans les sonorités musicales, les pratiques festives associées, permettent sa diffusion. C'est donc cette synergie entre innovation musicale, innovation festive et sentiment de nouveauté qui conditionne la passion techno chez les anglais des années 90.

«   Depuis la guerre des étoiles j'étais fasciné par tout ce qui concerne notre avenir avec la technologie. J'aime beaucoup les musiques électros, breakdance, hip hop des années 80 ; donc depuis la première fois que j'ai entendu ces formes de musiques électroniques, j'ai été conquis. Plus tard avec le style industrial, le bad cave, et après , quand j'ai eu 15 ans, j'étais vraiment indécis. Est-ce que je reste « gothic » dans mes goûts musicaux, ou est-ce que je continue avec l'electronic dance music???? Ma première "rave party " était à Blackpool (nord ouest de l'Angleterre, c'est une ville avec une plage, pleines de conneries pour les touristes, et beaucoup d'usines désaffectées) et là j'ai pris ma décision ! .....ACID HOUSE  ». Ce témoignage de Simon (alias Cristal Distortion) nous démontre bien que l'alchimie techno/pratiques festives est provocatrice de passion pour cette musique chez certaines personnes.

Dans ce processus - qui amène tel ou tel individu à vivre l'affect techno sous la forme de passion - l'association d'effervescences hédonistes, de grands rassemblements et parfois de produits psychotropes, va permettre de renforcer cette impression de vivre l'expérience festive techno comme une révélation, et conforter par là même le choix des individus pour cette passion. 

Cet engouement certain pour le phénomène free party , traduit par la passion musicale, va amener les participants aux fêtes techno les plus déterminés (qu'il soit sans emploi, étudiants,…) à devenir acteurs du phénomène. Un acteur séduit par les attitudes techno, qui va être pris d'envie de pousser plus loin ses investigations dans l'univers techno. De fil en aiguille, il va faire des rencontres, se créer un groupe de relations qui partage les mêmes visions que lui, et accéder à une deuxième étape : l'orientation vers une semi-professionnalisation engagée pour et dans le phénomène techno.

2 – Semi-professionnalisation

Cette étape engage la volonté de l'individu à cultiver sa propre passion. Généralement, c'est ici que celui-ci confirme ou non son choix pour cette passion, par l'investissement personnel qu'il engage.

La passion pour la musique, entraîne dans un premier temps l'individu à s'informer sur les différentes techniques employées. La première interface que le participant a l'occasion de rencontrer, est celui du Djing. C'est d'ailleurs celle qui entraînera le plus de passionné. L'apprentissage des techniques de mixage, le temps passé à la sélection des disques, se tenir informé des différents matériels et de leurs utilisations spécifiques,… font partie des premières étapes les plus courantes vers la semi-professionnalisation. Mais d'autres façons d'y parvenir sont possible comme l'intérêt que l'on porte pour la technologie qu'emploie cette forme de musique, ou l'intérêt pour une logistique autour de la fête. L'individu va alors se mettre en rapport plus souvent avec les acteurs du milieu, souvent en dehors des évènements festifs, pour débuter son apprentissage. Il commencera à emmagasiner un maximum d'informations, de conditions, de matériels,… pour permettre à sa passion de s'épanouir dans un cadre physique. Il y consacrera temps et argent, jusqu'à ce qu'il soit en mesure de satisfaire ses désirs. Souvent, l'association de plusieurs personnes permet d'augmenter la constitution d'un capital de départ. C'est dans cet intérêt pour la musique techno et son contexte technique, que va naître le premier sursaut qui donnera plus tard naissance aux sound systems.

Le sound system est la forme qui traduit cette semi-professionnalisation la plus investie dans le phénomène free party . A l'image du joueur de guitare qui après un certain apprentissage de l'instrument, souhaite (ou non) continuer vers la création d'un groupe de musique, le passionné techno cherchera à fonder ou rejoindre un sound system. Ce mode d'engagement tendra alors entre un amateurisme poussé et une professionnalisation certaine. C'est pour cette raison que j'appelle cette étape une semi-professionnalisation. Le passionné se basera sur cette semi-professionnalisation pour établir un consensus (matérialisé par le sound system ) qui fera de son expérience et de ses apports matériels, les anges gardiens de son évolution de participant à celui d'acteur.

Le sound system n'est pas forcément cadré sur un mode d'organisation itinérant. Les premiers ont été basés sur un mode semi-itinérant. Ils ne se déplaçaient en dehors de leurs locaux que pour le temps de la fête. C'est avec l'arrivée de sound systems comme les Spiral Tribe , Tonka ou encore DiY, que le mode d'organisation de celui-ci muta en mode itinérant. De la rencontre entre la passion techno et les new age travellers ,   ces groupes de semi-professionnels feront du sound system, la première pierre du techno travelling.

3 – Passage à l'acte

Cette troisième étape est celle qui engage l'individu dans un investissement totale pour le sound system. Comme nous l'avons vu précédemment, certains passionnés techno rejetèrent les pratiques festives payantes. Ils mirent en place les free parties. Le gouvernement britannique quant à lui, tempéra ce mouvement à l'aide d'une rigoureuse répression. Les passionnés techno durent alors trouver un moyen de faire revivre l'expérience . «  J'ai rencontré les Spiral Tribe sur un pont à Camden..... C'était en 1991. Je croyais qu 'il n y avait plus de soirées illégales comme avant. Alors là, j'ai eu la preuve que j'avais tort. Donc j'ai suivi.....  » (citation de Simon). Le sound system, artère principale des pratiques festives techno, s'est vue réadapté en mode itinérant par les passionnés techno pour continuer la fête en dépit des autorités et d'une conception festive particulière. La transgression des dires gouvernementaux les posèrent comme hors la loi. Ils abandonnèrent tout ce qui n'était pas en rapport avec le sound system  : travail, maison,… par choix oppressé entre répression et passion.

Le passage à l'acte demande à l'acteur du sound system itinérant un investissement complet dans sa passion, au dépit de la convenance des autres et d'une autorité publique. Le passionné se met alors en route, abandonne les normes socialement établies (travail, foyer,…), et se pose en déviant face à celles-ci. Il transgresse les modes de vie labellisés par des normes communément admises et s'accommode d'un nouveau, qui accepte sa passion techno et ses dérives. C'est cette transgression qui sert de pont entre la passion techno et le mode de vie techno travelling .

Je tiens cependant à préciser que ce mode de vie organisé autour du sound system itinérant est le résultat d'un contexte historico-social généré par les évènements d'une Angleterre des années 1990. Le sound system s'est cadré sur un mode de vie itinérant par choix (c'est sûr), mais aussi par contrainte. Cela a été le seul recours de permettre la libre consécration de cette passion techno, jugée déviante. Lorsque j'ai posé la question à Simon s'il se sentait traveller dans l'âme, voici quelle a été sa réponse : «  quoi ? de la même façon que tous les flics sont des pourris ? non, pas vraiment. Ce n'est pas ce que tu portes sur le corps qui fait une impression, et que quand tout le monde est bourré, ce ne sont pas les dreadlocks qui font la personnalité de quelqu'un, mais son engagement  ».

L'engagement. Voici la clef qui ouvre les portes du techno travelling pour la Spiral Tribe. Pas forcément un engagement contre les normes communément admises, mais plutôt un engagement envers sa propre passion techno. Qu'elle traduise une certaine forme de rébellion contre l'état ou pas.

 

Culture du groupe déviant

 

« On peut ainsi définir la culture par les limites à l'intérieur desquelles les comportements conventionnels des membres de la société peuvent varier sans cesser d'être tenus identiques par tous les membres. »

Becker (1985 p. 104)

Pour Becker, la déviance est une conséquence, entre autres, des réactions des autres à l'acte d'une personne. Il considère celle-ci comme le produit d'une transaction effectuée entre un groupe social et un individu qui, aux yeux du groupe, a transgressé une norme (Becker. 1985. p. 33). Il explique aussi que cette acte jugé déviant présente un caractère complexe, et que l'on peut transgresser une norme dans une situation donnée à un moment donné, sans forcément le faire dans une autre situation, à un autre moment (1985. op. cit. p. 37). Force est de dire que certains actes de la Spiral Tribe , ont mené plus d'une fois le groupe à transgresser une, voire plusieurs normes communément admises. Ce qui est démontré par la réaction du gouvernement Anglais, et plus tard celle des pays Européens. C'est pour cette raison que l'on peut considérer le groupe Spiral Tribe comme déviant, du moins d'un point de vue gouvernemental. Mais d'un autre point de vue, cette déviance est partagée et ressentie de manière normale. Becker nous explique que les groupes déviants ont un système d'autojustifications, qui contribue à neutraliser les restes d'attitudes conformistes que les déviants peuvent éprouver à l'égard de leur propre comportement (1985. op. cit. p. 61). Il souligne notamment que ces systèmes de justification comportent tendanciellement une récusation globale des normes morales conventionnelles, des institutions officielles et plus généralement de tout l'univers des conventions ordinaires (1985. op. cit. p. 62), ce qui est le cas de la Spiral Tribe de l'Angleterre des années 90. D'une part elle s'octroie le droit à la free party, même si celui-ci va à l'encontre des normes communément admises ; d'autre part elle réfute les tendances du mainstreaming , et se justifie entre autres par le fameux « make some fucking noise  ».

Chez la Spiral Tribe , le système d'autojustification se retrouve dans la conception que le groupe a du sound system  :

•  «  si tu participe à la fête illégale, tu es un membre de la Spiral Tribe » 

•  « la Spiral Tribe est le sound system du peuple  »

•  «  chacun est libre d'évoluer dans le sound system et ne doit pas rendre de compte  »

Ce système se retrouve aussi pour justifier l'engagement qu'ils partagent autour de leurs activités déviantes :

•  «  Make some fucking noise »

•  « free party pour des gens et des pratiques libres »

•  « une musique hardcore pour des gens hardcore »

•  « prendre la route et se battre pour la musique techno »

Ce qui caractérise entre autre la déviance du groupe, c'est la capacité de plusieurs individus à partager la même conception qu'ils se font du groupe, de ces activités déviantes, ainsi que de ses relations avec les autres groupes de la société. (1985. op. cit. p. 105).

Le groupe a su créer autour de lui un environnement fait de fêtes illégales, de musiques techno, et de pratiques déviantes au sein de celui-ci. C'est ce que Becker classe dans la catégorie « totalement déviant ». Et il n'a pas tout à fait tort ; car la Spiral Tribe s'est affirmée en partie par la mise en place de cette environnement qui brise toutes les barrières et les normes communément admises. Le fait d'organiser une free party par exemple, implique d'investir un lieu sans autorisation, de jouer de la techno pendant des heures entières, de permettre la liberté des pratiques hédonistes comme la prise de drogue,…

Ces formes de déviances rentrent dans le cadre de la fameuse T.A.Z. de Bey. C'est dans ce culte de la T.A.Z., que l'on peut dire qu'il existe une culture de la déviance.

Cette culture de la déviance n'est pas seulement inhérente à la Spiral Tribe, elle fait partie d'un ensemble complexe régie par le monde de la free party et un univers conditionné par les modes de vie en sound system semi-itinérant et itinérant.

C'est en ce sens que l'on peut dire qu'il existe une certaine culture de la déviance chez les Spiral Tribe . Cette culture est celle de la free party, de l'idéologie hardcore. Le moyen d'expression de celle-ci pour le groupe, a été celui du techno travelling, un mode de vie qui jongle constamment avec la transgression des normes occidentales communément admises comme le travail, le foyer, l'organisation d'une famille autour de ceux-ci, l'interdiction de l'utilisation de produits psychotropes à des fins récréatives, … Des individus qui se retrouvent à un moment donné, dans un certaine situation pour partager une conception commune de ce qui est bon pour eux et de ce qui ne l'est pas ; partager des conditions de vie qui se cadrent entre une passion musicale voulue et des contraintes acceptées ; mais surtout partager une volonté de poursuivre leurs agissements au détriment des normes socialement établies.

Photo prise par Vinca Peterson

Action collective : entre innovation festive et succès musical

Après sa dissolution, la Spiral Tribe s'est morcelée en une multitude de liens structuraux. Ces nouveaux liens sont des sound systems comme Sound Conspiracy, Total Resistance, Facom Unit ou encore des labels comme Network 23 ou SP23, fondés par les anciens membres de celle-ci. Aujourd'hui, l'expérience 23 les a poussé dans une nouvelle dimension de leur passion techno, une dimension conditionnée par leur vécu, leurs expériences, qui amène les ex-membres à reconsidérer leurs agissements. Je souhaiterai revenir sur cette séparation qui plaça définitivement les membres de la Spiral Tribe au rang de mythiques techno travellers dans le mouvement free party .

La première chose qui est sûre, c'est que le « concept Spiral Tribe  » a été victime de son succès. Celui-ci s'est basé sur le rejet de pratiques proposées par un courant musical considéré par les membres du groupe comme mainstreaming . Non à la fête payante, non à la fête contenue par les décisions gouvernementales. Les membres de la Spiral Tribe se sont alors dirigés vers ce qu'on appelle le hardcore. «  Une musique hardcore, pour des gens hardcore ». Ce mot est employé pour définir une musique, des pratiques qui se placent à l'extrémité d'un courant musical. Généralement, cette tendance s'affirme dans le dénigrement d'un courant musical majeur. Elle se caractérise par un mode d'expression radical, que ce soit dans la musique (avec une création musicale plus brute, violente, caractérisée par une accélération du rythme, la saturation des sonorités,…) ou dans les actes (organisation de fêtes sauvages, avec la préférence pour des pratiques excessives comme l'abus de produits psycho-actifs,… ou simplement plus extrémistes comme l'emploi d'une esthétique en rapport avec la guerre). Le groupe s'est alors porté garant durant un temps de valeurs hardcore considérées comme un des côtés underground de la musique techno, et les a véhiculé par l'intermédiaire de sa conception du techno travelling . Le registre des actions est clair : permettre de vivre la fête n'importe où, n'importe quand, avec n'importe qui. Faire la fête. Une conception de l'acte qui se met certes en opposition avec les pratiques déjà préétablies, mais qui permet un élargissement nouveau du champ d'action que proposent celles-ci. Bref, une innovation festive.

Une des raisons qui a fait le succès de la Spiral Tribe et des techno travellers anglais en France, c'est qu'ils sont les premiers à utiliser le concept de hardcore dans cette nouvelle forme festive. Les fêtes ont d'abord séduit, puis le processus hardcore a servi de modèle pour la musique d'une part, et pour les participants souhaitant se lancer dans l'aventure. Ces fêtes hardcore ont commencée à voir affluer de plus en plus de monde et finirent par un véritable phénomène de masse en Angleterre, puis dans toute l'Europe.

La Spiral Tribe s'est donc retrouvée au centre d'un paradoxe caractérisé par la volonté de diffuser une forme d'expression hardcore qui se veut underground, dans un phénomène de masse généré par le succès du sound system et de ces pratiques festives . Ce phénomène n'est maintenant plus l'apanage seul du sound system , mais celui d'une minorité qui ne cesse de grossir, avec ses propres conceptions de la culture hardcore. Un mouvement free party dont les orientations idéologiques ne peuvent plus désormais se retrouver dans une définition commune du concept de hardcore, car chacun en a fait sa propre interprétation au cours de ses expériences.

C'est dans cette reconfiguration des mœurs techno que la Spiral Tribe s'est recomposée en une multitude de réseaux allant du sound system au label de production. La page de l'époque Spiral Tribe est tournée… Et ses membres s'engagèrent dans une nouvelle étape, basée cette fois ci sur un élan personnel, une carrière en solo plutôt que sur l'expérience communautaire vécue sous l'enseigne Spiral Tribe.

 

Vers une professionnalisation du genre musical

 

« La free party a beaucoup changé ces dernières années…. 10 ans de bm bm bm bm bm, on ne peut pas faire autre chose ???? »

Simon (alias Cristal Distortion)

Dans cette partie, je souhaite m'intéresser aux parcours des membres de la Spiral Tribe , à travers leur évolution musicale. Celle-ci se caractérise généralement chez les DJs et certains membres de la Spiral Tribe - ayant connus les débuts de la house music en Angleterre et s'étant concentré sur leur passion techno - par la transition entre différentes étapes. Tous les entretiens que j'ai effectués montrent à quelques exceptions près, le même cheminement dans le parcours musical :

1 – La house music. Ce premier temps est celui qui fait découvrir l'univers techno aux individus. Chacun tient à peu près le même discours, celui qui met en avant le fait qu'ils estiment avoir eu la chance d'être là au bon moment, au bon endroit.

2 – L' acid house. Cette musique correspond à l'époque ou l'individu confirme sa passion, par l'investissement de celui-ci dans le mouvement, et son passage d'un statut de participant à celui d'acteur.

3 – Le hardcore . Cette appellation correspond généralement à l'engagement de l'acteur vers la voie du techno travelling . Ce style musical est la transition entre les formes musicales acid house et la musique que l'on appelle aujourd'hui musique tribe que les passionnés appelaient à l'époque, hardcore. Elle caractérise l'époque où les pratiques déviantes sont le plus répertoriées.

4 – Le métissage des musiques. Cette étape est celle qui correspond au passage des individus dans une phase de remise en question des valeurs musicales hardcore . Elle est caractérisée par le mélange de divers types de musiques, comme le drum'n'bass , le breakbeat , aux formes de techno précédentes, house, techno, et hardcore. Généralement elle correspond à une période de stabilité dans la vie de l'individu qui s'arrête de voyager, ou diminue fortement ces déplacements.

La transition entre la troisième étape et la quatrième correspond avec la période ou le groupe a été dissolu. Cette période est plus ou moins étalée sur cinq ans. Au terme de celle-ci, certains membres de la Spiral Tribe comme Jeff, Simon, Ixy, et Sébastian vont décider de s'établir en tant que professionnels du spectacle et de la production musicale.

On peut définir trois temps dans le parcours professionnel de ces membres :

1 – La formation de la passion techno

( house > acid house )

2 – La semi-professionnalisation à travers l'expérience du sound system

( acid house > hardcore )

3 – La professionnalisation à partir des expériences musicales du passé

( hardcore > métissage techno)

La transition entre la première période et la seconde est celle qui correspond à la formation du sound system des Spiral Tribe . La transition entre la deuxième période et la troisième correspond à l'abandon de l'organisation autour du sound system et la progression de certains membres vers une carrière professionnelle en « solo ». C'est grâce au succès du sound system et à l'explosion de la scène free party, qu'un créneau de professionnalisation de ce style musical sur le marché Européen a pu s'ouvrir.

Cette transition vers une professionnalisation est vécue comme le passage d'une étape personnelle dans l'idéologie musicale des individus. Ils estiment qu'après un temps consacré aux formes de techno acid house et hardcore (présentées par l'image de Simon «  dix ans de bm bm bm bm bm  »), ils doivent maintenant s'intéresser à de nouvelles formes d'expressions musicales. Celles-ci se traduisent la mise en place d'un métissage dans les styles de musiques techno, qui correspond à une étape de radoucissement des convictions chez l'idéologie des membres de la Spiral Tribe  ; une sorte d'« ouverture d'esprit » permettant l'intégration d'autres concepts festifs que ceux de la free party . Ce choix - optant pour la considération d'autres espaces festifs comme par exemple les soirées payantes - permet aussi la possibilité d'une forme de professionnalisation.

Mais cette professionnalisation fait perdre une grande partie du sens originel et des valeurs véhiculés par cette musique (Kosmicki. 2001. p.10), car la professionnalisation implique l'échange structuré d'intérêts financiers contre ses propres productions musicales. Cet échange passe forcément par des réseaux aux méthodes assimilées à celles des réseaux considérés comme faisant partie de la tranche musicale mainstreaming . Ces membres ont dû alors faire un choix : vivre de leurs productions musicales, ou respecter leur engagement scellé par l'enseigne Spiral Tribe . Certains ont fait le choix de continuer sur la route (c'est le cas de Kaos avec les Sound Conspiracy), d'autres se sont réorientés vers une carrière professionnelle. Mais l'expérience 23 continue, et l'enseigne Spiral Tribe se fait oublier par les membres du sound system , soit parce qu'elle est considérée comme un échec idéologique (dû à la réorientation des actes de certains membres) ; soit parce qu'elle est synonyme d'un temps révolu, et que l'on doit passer à autre chose.

Une chose est sûre, c'est que la passion techno des membres de la Spiral Tribe a contribué à la formation d'un style musical, celui de la musique tribe  ; style qui continue aujourd'hui d'alimenter les play lists des DJs de la free party. Ce qui montre bien ici un certain paradoxe, puisque le mouvement free party actuel se nourrit en partie de productions musicales instituées par des réseaux qui prennent exemple sur ce que le mouvement rejette le plus : la frange musicale mainstreaming et ses soit disant réseaux « commerciaux ». Paradoxe deux fois plus accentué par l'intégration progressive de ces héros mythiques du mouvement free party dans le panier musical du mainstreaming .

La professionnalisation du genre musical joué en free party, fait perdre le caractère underground à cette musique. A l'heure actuelle les frontières entre mainstreaming et underground ne sont plus actualisées. Le mouvement free party abandonne ses premiers repères - sur lesquels étaient basés l'idéologie naissante du hardcore - pour trouver dans la vulgarisation de sa musique, de nouveaux repères. Mais pour comprendre le rôle qu'a joué la musique labellisée Spiral Tribe , il faut se pencher sur son parcours à travers le mouvement techno en général.

4 – Du hardcore au renouveau perfide

Les membres de la Spiral Tribe attribuent beaucoup de sens à la musique techno, surtout lorsqu'il s'agît de leurs productions musicales. Il est donc nécessaire de se pencher sur l'évolution de celles-ci, pour comprendre certains de leurs agissements.

 

Discours électronique

La techno, nous l'avons vu, était dans l'Angleterre des années 90 un moyen d'expression des minorités jeunes des inner cities. Un moyen festif d'énoncer son mécontentement. A l'aide de pratiques festives, cette musique a permis de dresser un mode revendicatif non verbal ou presque, basé sur l'emploi des sons. Comme je l'ai évoqué précédemment, l'emploi de la voix dans la techno à toujours été minimisé et souvent placé sous la forme de boucles musicales . Les premiers morceaux de techno se sont organisés sur un principe de sample de certains discours connus. Le fameux « I have a dream  » de Martin Luther King, fut l'un des premiers samples utilisé. Par la suite, l'usage de la voix n'est employée que pour traduire une émotion (ex : «  ecstasy  »), ou une certaine revendication (ex : « you might stop the music but you can't stop the futur  ») que les sonorités musicales techno ne peuvent retranscrire identiquement. Généralement, quand la voix samplée est utilisée en contraste avec les sonorités techno, c'est pour que son message (directe et précis, répété à plusieurs reprises) puisse être assimilé et compris de tous. C'est cette répétition qui fait la force de la techno, son cadre revendicatif.

C'est dans cette forme redondante de musicalité que l'amateur cherchera à combler le manque de communication verbale de la musique techno. Combler le manque par une prédominance des rythmes et des fréquences basses. Ce boum boum boum, signature des basses techno, donne l'énergie, le tempo, l'envie de danser (Grynszpan. 1999. p. 51). Ces sonorités techno apparentées à un paysage sonore bruyant dressent alors un cadre symbolique de la contestation. «  La puissance mise à disposition du musicien par le biais des nouvelles technologies et de l'amplification prend une dimension inédite et permet au musicien de reconstruire une forme de pouvoir sur la collectivité que représente l'auditoire. Le bruit devient symbole de pouvoir, ancrant le mouvement techno de gré ou de force dans une problématique d'ordre politique […]. Un pouvoir construit en dehors du contrôle des pouvoirs publics  » (1999. op. cit. p. 36). C'est dans ce sens symbolique que la techno fût employée par la Spiral Tribe. Un bruit gratuit dans tous les sens du terme, également désiré, pour transmettre un consensus idéologique : le hardcore .

Une musique hardcore, plus dure, plus radicale, plus rapide, pour redimensionner le champ purement hédoniste des pratiques festives et lui donner un sens revendicatif. Des sonorités bruyantes pour rappeler que la fête n'a lieu que parce que l'engagement revendicatif lui permet d'exploser à la figure des autorités, en un gigantesque pied de nez symbolique.

 

Le «  son des spis  » comme alternative musicale

La Spiral Tribe fait partie des premiers sound systems a avoir joué une forme de techno plus rapide. Les premiers morceaux étaient simplement des morceaux house ou acid house joués en 45 tours. Plus tard, avec l'arrivée des productions de celle-ci, leurs musiques ont commencé à avoir une « couleur », un petit quelque chose qui fît des sonorités employées par les membres compositeurs la signature du sound system . Ce côté musical spécifique au groupe s'est rapidement intégré dans la métamorphose de celui-ci en une unité hardcore. Le «  son des spis  » est né dans ce concept techno. Il s'est établi sur la base house et acid house anglaise mais a rapidement bifurqué pour proposer une nouvelle alternative sonore, celle du « bruit », de la pulsation rythmique accélérée, de la frange musicale radicale qui se veut sortir le concept techno du rictus électronique dans lequel - selon elle - l'avait invité la house music. Une alternative qui permet à travers des pratiques festives naissantes, de considérer un des nombreux masques de la techno : celui de la révolte en musique.

Ce «  son des spis  » est caractérisé particulièrement par l'emploi du live musical. Sur la route, le groupe avait souvent l'habitude d'utiliser en plus des platines vinyles, les machines de création musicale (comme la TB 303, en l'associant avec d'autres) en direct. C'est à dire s'en servir non plus pour la création d'un morceau de musique, mais pour utiliser leurs séquences musicales et les mixer en direct. Cette pratique offre une nouvelle dimension à la free party qui propose alors un espace d'expression « en direct » presque identique à celui de la performance musicale d'un groupe de musique sur scène. Le live musical techno est le moyen qui permet entre autres de légitimer la techno comme une « vrai musique », par l'emploi d'instruments entre que les platines pendant les représentations. C'est par l'intermédiaire de Simon, Sebastian, Kaos et Ixy que cette pratique c'est familiarisée dans le groupe. Il semble que ce soit l'intérêt de Simon et Sebastian pour ce support musical qui a permis aux autres membres de s'initier à ces pratiques. Il la développeront plus tard, et proposeront le concept de Chip Jockey (au sens de maître des connexions, faisant référence au divers branchements, parties du matériel que nécessite l'emploi de cette technique) pour définir le musicien qui le pratique.

 

SP 23 : entre dogme techno et prosélytisme musical

Ce nouveau genre musical hardcore véhiculé par la Spiral Tribe et ses différentes techniques utilisées pour jouer ce style est alors employé pour convaincre la jeunesse qu'il existe une façon différente de concevoir la fête de celles proposées par les instances déjà en place. Une façon simple - mais engagée - de faire la fête : sortir des gonds préétablit. Faire la fête en tant que hors-la-loi. Et c'est dans l'effervescence des pratiques festives de l'Europe que le message se fait entendre. Un message fracassant, qui ne cesse d'être proclamé nuit et jour, 24 heures sur 24. Une musique hardcore qui défie les habitudes biologiques et sociales avec une volonté déterminée et des méthodes peu orthodoxes.

Les membres du sound system ont fait preuve de zèle excessif pour propager leur foi en la musique hardcore. Vincent (membre d'un sound system de la région parisienne) s'en souvient : « ils (les Spiral Tribe) me faisaient penser à des curés… Tu sais ceux qui sont partis dans les pays colonisés  ». Il est vrai que l'image du missionnaire techno correspond assez bien aux agissements des membres du groupe. Leur dogme est celui de la techno (caractérisé par l'appellation hardcore pour un temps), leurs méthodes sont basées sur le prosélytisme musical. Quand le convoi de la Spiral Tribe s'établissait quelque part, il interpellait la plupart des intéressés et les membres du groupe les conviaient à leurs orgies festives. «  SPIRAL TRIBE IN THE AREA  » (la Spiral Tribe est dans la place ). Cette expression, souvent présente sur leurs flyers, définit bien les intentions du groupe. C'est grâce ce prosélytisme musical que le groupe a pu véhiculer, à travers la pratique du techno travelling, leur passion techno. Une passion vouée au culte musical sous ses formes électroniques, contestataires et surtout hardcore.

De la révolte à la production

La compréhension de la transition entre ces deux étapes se trouve dans la propension des membres à adopter telle ou telle stratégie face au concept de hardcore. Cette transition est due aussi à une certaine démocratisation de la musique techno en général.

Dans un premier temps, le hardcore est la définition d'une idéologie. Il est vécu comme une révélation, se révèle à travers des pratiques festives déviantes (la free party ) et un mode de vie organisé autour du sound system . Ce concept influence les pratiques artistiques des membres du groupe qui le considèrent comme une axe possible de revendications festives .

Dans un deuxième temps, les valeurs véhiculées par ce concept sont diffusées par l'intermédiaire des productions musicales de ce mode de vie et un certain prosélytisme musical techno de la part des acteurs du sound system .

Une fois que ce concept hardcore séduit, il amorce un certain phénomène de masse autour de ses pratiques et favorise la création d'un marché musical pour faire face à cette demande grandissante. La boucle est bouclée et un certain paradoxe intervient, celui de la « contestation productive ». Le concept devient alors un concept vendeur puisque de plus en plus d'individus y adhèrent. Cette musique hardcore nécessite maintenant la structuration de ses réseaux (distribution, pressage, …). Un nouveau créneau se met alors en place sur le marché musical pour répondre aux premières demandes des DJs de free party . Plus tard avec la démocratisation de la musique techno, ce créneau devra faire face de nouveau à une seconde demande encore plus grande : celle du public hardcore . La première étape vers cette production est le pressage de vinyles, matière première des DJs. La seconde étape est la venue de supports comme le C.D., qui favorisent la diffusion vers les passionnés qui ne bénéficient pas des outils du DJ comme les platines vinyles. Ce créneau (généralement tenu par des personnalités de la free party ) souhaite engager ses investissements dans des valeurs sûres, celles qui ont créé ce mouvement : les productions musicales qui reflètent l'essence du hardcore et, entre autres, celles des techno travellers. Ces individus se retrouvent donc face à un choix : se décider entre une idéologie hardcore qui cadre leur mode de vie, et une production musicale hardcore. Deux interprétations du mot qui ne se base plus sur la même définition. Généralement, cette transition est vécue de manière souple. Elle s'inscrit chez l'individu dans une évolution de ces conceptions de la musique techno. Une nouveau débouché apparaît alors autour de cette forme techno pour ceux qui ont décidé de se reconvertir : une possibilité de considérer une carrière professionnelle à travers le hardcore.

Le mot hardcore est employé pour définir une conception musical qui correspond avec deux périodes de leur vie : celle des expériences autour de l'idéologie hardcore , de la semi-professionnalisation autour du sound system  ; et celle de la possibilité d'envisager une carrière professionnelle à travers la musique hardcore .

Tout au long de leurs expériences, les membres de la Spiral Tribe ont employé le mot hardcore pour définir la musique qu'ils jouaient. Celle-ci a évolué, de la house music à l' acid house , de l'acid house à ce qu'on appelle aujourd'hui la hardtechno, pour finir avec un nom spécifique à leur style, celui de musique tribe.

Cette appellation musique tribe est employée dans un système classificatoire par les disquaires pour définir le style métissé joué par les membres d'anciens sound systems itinérants (comme celui de la Spiral Tribe), devenus aujourd'hui les «  vieux papas de la techno  ». La musique tribe deviendra aussi la catégorie qui définira le style dans lequel s'est orienté une partie des productions venant du monde de la free party , celle qui prend exemple sur les compositions musicales des techno travellers .

Finalement, la Spiral Tribe se retrouve plus dans un concept que dans un mode de vie. Ce concept est caractérisé par le mot hardcore. Cependant, je tiens à préciser que ce concept a plusieurs masques et de nombreuses interprétations sont possible suivant ce que le mot implique. Sous l'égide Spiral Tribe, le hardcore a permis à une certaine jeunesse anglaise, de se reconnaître et de coexister un temps par le partage d'une idéologie musicale autour de cette appellation. Ce mot est employé pour une musique techno qui ne cesse d'évoluer de style en style, pour des pratiques festives innovantes qui orientent leur but dans la revendication. Pour ce temps, le moyen d'expression est le sound system , fil conducteur qui alimente les pratiques festives nouvelles de la fête techno, qu'elles soient illégales ou non. Un sound system qui se basera sur un mode d'organisation itinérant. Mais ce mode d'organisation n'est pas une obligation. Celui-ci s'est organisé autour de l'itinérance dans le cadre d' une époque donnée, à un endroit donné : L'Angleterre du régime Thatcher/Major des années 80/90. Ces fils du gouvernement Thatcher qui trouvent dans le sound system un moyen d'expression, vont créer leur propre idéal de vie dans la contestation des dires gouvernementaux : le techno travelling est le résultat de l'alchimie musique/contestation . C'est un mode de vie qui permet avant tout aux membres de la Spiral Tribe, de nourrir leur passion techno.

Après une décade dans la musique, ces techno travellers vont participer au processus de démocratisation de la techno en général. L'attitude contestataire qui les caractérisait n'a plus lieu d'être, car ce côté bruyant du hardcore employé pour revendiquer un droit à la techno (réduit à l'époque) se fait entendre maintenant et digérer par tous. Cette démocratisation entraîne alors chez les acteurs techno deux attitudes : le rejet de celle-ci et l'ancrage encore plus profond de ces attitudes dans le radicalisme ; ou simplement une réorientation professionnelle possible par ce créneau ouvert dans l'industrie du disque. Il est temps de faire un choix : vivre ou survivre. Vivre de ses productions musicales et de son expériences, ou survivre sur une route qui les veut de moins en moins (ex : prix du gasoil, interdiction du passage des poids lourd dans certaines zones,…). Ce choix n'empêche pas l'univers de la free party d'aujourd'hui, de continuer à évoluer et de faire ses propres expériences.

Je pense que le techno travelling correspond chez les Spiral Tribe à une période de leur vie, celle de la jeunesse… festive, hédoniste, parfois déviante, tout simplement passionnée d'une musique.

La Spiral Tribe a su trouver dans la route un moyen de vivre ses expériences, par le biais d'un regroupement d'individus vivants une même situation. Une sorte de communitas comme le dit Turner. Elle s'est caractérisée dans le groupe sous une forme spontanée, non structurée si ce n'est l'organisation des moyens autour du sound system. C'est cette attitude spontanée qui a créé l'âme du groupe dans l'effervescence des fêtes. Elle a permis à chacun la totale liberté de rester, de partir ou simplement de vivre ses propres expériences.

Si le groupe Spiral Tribe est une communitas spontanée, le temps du techno travelling correspond à sa période liminaire qui l'a vu évoluer, grandir, et se dissoudre.

Finalement, je pense que le techno travelling fait partie d'un ensemble. Il est une sorte de catégorie dans celui-ci, qui contribue simplement à faire des musiques techno house, acid house, hardcore, tribe, et leurs déclinaisons les véhicules d'une vrai culture musical. Une culture techno qui a ses histoires, ses franges musicales plus ou moins radicales, ses excès, ses contestations, et ces mythes…

Photo de l'avion de chasse des Mutoïds Waste Compagny considéré comme celui de la Spiral Tribe

 

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