Introduction

 

 

 

En novembre 2002, les Antilles françaises font la une des journaux. Le groupe Accord (chaîne hôtelière) annonce, par une lettre de Gérard Pélisson (un responsable du groupe) au président de la République, son désir de se retirer progressivement de la Martinique, et de la Guadeloupe. Cette décision interroge l’opinion publique d’autant, que la raison qui amène le groupe à partir est intrigante. A la raison de ce départ il est invoqué principalement, l’offre insuffisante de liaisons aériennes, et la concurrence touristique des autres îles caribéennes. Mais c’est, encore, un autre argument qui attire notre attention. En effet, si la société Accord décide de quitter les Antilles françaises, c’est en partie à cause d’un climat social « détestable »Propos extraits de la lettre de Gérard Pélisson (coprésident du conseil de surveillance du groupe hôtelier ) au président de la République, cité par le quotidien Le Monde daté du 12/11/2002, qui ont été eux-mêmes repris du journal Le Parisien, qui a publié cette lettre le 9/11/2002 . et d’une « attitude inamicale, voire agressive »¹ du personnel local à l’égard de la clientèle. En conséquence, celle-ci très mécontente de son séjour et du service qu’elle a reçu, n’hésite pas à faire mauvaise presse au groupe installé dans les départements d’outre-mer. Par conséquent, le groupe souffre du manque de touristes à destination des DOM.

Ces arguments nous amènent à constater que le retrait du groupe hôtelier Accord, des Antilles françaises, est du à des raisons économiques mais aussi culturelles. Ce constat conduit à s’interroger à différents niveaux. Est-ce que ce comportement « inamical » du personnel de ces hôtels, est généralisable à l’ensemble de la population des îles, et dans quel but est-il produit ? Est-ce un refus d’ouverture imposé seulement aux touristes, ou à toutes populations extérieures ? C'est-à-dire en sortant du cadre des vacances, est-ce que les individus qui souhaitent s’installer dans ces îles rencontrent des problèmes avec la population locale, et par conséquent des problèmes d’adaptation ?

Nous prendrons la société martiniquaise comme objet d’étude, en analysant plus spécifiquement la relation des martiniquais et des métropolitains et nous essayerons de décrypter les modalités d’adaptation des métropolitains, à la vie martiniquaise.

Il nous paraît nécessaire de définir certains termes de ce sujet, pour en comprendre toute la signification.

 

1- Métropolitain.

Qui désigne-t-on lorsque nous employons le terme : métropolitain, et qui utilise cette appellation ?  Les martiniquais se servent de ce vocable pour parler de certaines personnes. Ce terme est donc utilisé pour nommer un individu ou un groupe d’individus particulier. L’emploi de cet appellatif fait référence à trois éléments qui se conjuguent.

- il précise le lieu géographique d’où est originaire la personne. Par métropolitain, les martiniquais désigne une personne qui arrive de la métropole française, centre politique, économique, ainsi que pays de rattachement par assimilation, éloignée de la Martinique par environ 7 000 Km.

- l’emploi de ce terme sous entend que la personne possède certaines caractéristiques physiques. Pour les martiniquais, toutes personnes qui viennent de la métropole, sont des personnes de type européen, c’est-à-dire à la peau blanche et aux traits du visage plus fins que les gens de couleur.

- Le mot métropolitain souligne le rapport spécifique qu’entretiennent ces deux populations. Métropolitains et martiniquais sont français, concitoyens, soumis aux mêmes lois, or la population martiniquaise en se servant d’un mot singulier pour désigner un autre français, veut marquer sa différence avec ces personnes.

Le mot métropolitain souligne : que la personne n’est pas originaire de l’île mais de la métropole, qu’elle est blanche aux traits fins, et issue d’une autre culture. Ces trois éléments mettent en exergue la différence entre les martiniquais et les Autres (les métropolitains).

Les martiniquais se représentent les français venant de métropole selon la définition énoncée ci-dessus. Tout au long de notre étude, nous nous référons à cette représentation. Les originaires des départements d’outre-mer, ayant vécu en métropole et qui rentrent dans leur département d’origine ne sont pas inclus dans cette définition du métropolitain donnée par les locaux. Par conséquent, leur situation ne sera pas traitée dans cette recherche.

 

2-Adaptation.

Nous employons à diverses reprises dans ce document, le terme : adaptation.

L’adaptation : est la faculté d’ajuster son comportement à une nouvelle situation. Ce vocable sous entend l’idée d’une notion biologique, comme l’adaptation physique à un environnement. Cet aspect est abordé dans notre travail, cependant il n’en est pas l’élément principal. Notre recherche donne la priorité à : ajuster son comportement à une nouvelle situation. Le choix de ce terme, a été pris pour plusieurs raisons. Nous voulons étudier les processus de changements comportementaux, les réactions et les attitudes du métropolitain qu’induit son installation dans un nouveau cadre de vie. Ce nouveau cadre de vie se singularise par un changement géographique de résidence, un changement relationnel, et la rencontre d’une nouvelle population et culture avec lesquelles, les rapports sont envisagés autrement qu’en France. Ce terme semble le plus à même correspondre au processus que nous voulons étudier. L’adaptation sous entend l’idée d’un changement conscient (aussi infime soit-il) de la personne pour s’ajuster au nouvel environnement dans lequel elle se trouve. L’idée d’adaptation montre que le changement accompli par l’individu n’est pas complet. Il agit comme un réajustement de comportement par rapport à une situation particulière, mais l’acquis antérieur n’est pas, pour autant oublié. C’est pour cela que nous avons choisit d’utiliser ce terme au lieu de l’un de ces synonymes comme l’assimilation qui suppose la conversion complète à la culture de l’Autre, autrement dit devenir cet Autre. Nous allons voir au court de cette étude pourquoi nous n’avons pas choisit le terme d’intégration, et dans quel rapport entre martiniquais et métropolitains, il pourrait être employé.

 

Cette recherche s’adosse sur le fait de la présence des métropolitains en Martinique. Ces personnes extérieures à l’île, originaires d’un lieu géographique et climatique différent, sont de même citoyenneté que les martiniquais, soumis aux mêmes lois républicaines et dépendent de la même nation: la France. A cause des différences sociétales et culturelles de la Martinique, les métropolitains dès leur arrivée se sentent étrangers aux martiniquais et ceux-ci les perçoivent comme tel. « Cette extériorité »  est renforcée par leur couleur de peau (élément visible aux yeux de tous), et par leur incompréhension de la langue locale, le créole.

Seule leur nationalité leur est commune, nous constatons que de nombreuses différences existent entre martiniquais et métropolitains. Nous supposons que les métropolitains, dès leur arrivée, rencontrent des problèmes d’adaptation à cette culture, pour le moins divergente de ce qu’ils connaissent. Nous allons étudier les processus d’adaptation qu’ils mettent en place afin de pouvoir s’installer et vivre sur l’île. Nous procéderons à une description de cette population non originaire, puis nous essaierons de mettre en exergue, leurs réactions spécifiques lors de situations inconnues. Notamment, la certitude qu’ils ont en arrivant sur l’île d’être chez eux puisqu’en apparence la vie en Martinique est identique à celle de la métropole. Les structures institutionnelles, et la langue officielle, le français, l’attestent. Or, cette illusion est bien vite gommée dès les premiers contacts avec la population. Le mode de vie est différent de la métropole, et surtout qu’ils sont considérés en Martinique comme étrangers.

 

Nos objectifs sont : connaître cette population métropolitaine, (nous dresserons pour cela un tableau de ses caractéristiques sociologiques). Etablir et analyser l’ensemble des problèmes et des conflits rencontrés par ce groupe pendant son temps d’adaptation. Mettre en relief les traits particuliers de la culture martiniquaise. Enfin nous nous interrogerons sur le fonctionnement général de cette société dans sa relation à l’autre (qui vient de l’extérieur). Comment gère-t-elle  « l’intrusion de cet étranger » ?

Au travers de ces objectifs, nous tenterons de vérifier nos hypothèses. A l’entame de cette recherche, nous supposons que les métropolitains rencontrent des problèmes d’adaptation en arrivant en Martinique. C’est parce qu’ils n’arrivent pas à les dépasser qu’ils se regroupent entre eux. Ce qui donne à voir sur l’île deux groupes ethniques vivre l’un à côté de l’autre sans jamais se mêler, sinon par un mélange artificiel dans les espaces publics.

Cette étude comporte sept chapitres. Le premier retrace succinctement l’histoire de l’île, afin de connaître le cadre sociétale qui accueille les métropolitains. Par la suite nous tentons d’établir un profil type de cette population afin de mieux pouvoir la définir. Lors du troisième chapitre, nous abordons le processus d’adaptation que met en place cette population du fait des pratiques culturelles et sociétales en vigueur sur l’île. Puis nous mettrons en évidence les moyens, les modes de rencontre qui existent entre martiniquais et métropolitains. Quelles en sont les difficultés, quelles adaptations modifieront le comportement de cette population. A partir de ces différents constats, nous essayons de voir à quels processus d’acculturation, les métropolitains sont soumis en Martinique et comment cela se traduit dans leurs attitudes au quotidien. Dans le chapitre six, nous étudions trois situations qui démontrent concrètement les processus d’acculturation et les attitudes décrites dans le cinquième chapitre. Dans le chapitre sept, nous cherchons à décrire les caractéristiques de la société martiniquaise qui peuvent nous aider à comprendre de quelle façon elle gère l’installation de cette nouvelle population sur l’île, et quelles en sont les conséquences pour elle.