Conclusion

 

 

 


Ce travail nous a permis de voir plusieurs éléments à propos de ce groupe, peu étudié, qui vie dans toutes les anciennes colonies de la France devenues des départements ou des territoires français : les métropolitains.

A partir de l’exemple de la Martinique, nous avons décrit cette population venue de France, en recherchant sa composition et les motifs qui l’amène à partir de métropole.

Depuis le début de la départementalisation (réel point de départ de l’immigration dans les DOM), nous constatons que le nombre de métropolitains a augmenté de façon significative sur l’île et qu’ils ont investi l’ensemble des secteurs d’activité. Cette population reste difficile à échantillonner car elle demeure relativement hétérogène et instable. Elle ne représente pas un groupe identifiable, ni au niveau professionnel, ni par les personnes qui la constituent. Il existe un va-et-vient perpétuel de ses membres qui modifie sans cesse, la représentation du groupe. Nous avons tenté de tracer un profil type de ces métropolitains en nous aidant de quatre variables qui fédèrent les individus de cette population. Nous observons que l’installation en Martinique est motivée principalement par trois éléments : l’expérience, les intérêts économiques et une représentation positive de l’île.

Cette population étant précisée, nous avons repéré les difficultés qu’elle rencontre dès son installation sur l’île, et recherché quels processus d’acculturations en découlent. Quelles adaptations y sont associées, pour qu’ils puissent convenir de rester et de vivre sur l’île. Les processus d’acculturation, que ce groupe rencontre par l’interaction avec cette nouvelle culture, sont positifs, c'est-à-dire relativement faciles. C’est grâce, notamment à la relative proximité culturelle de ces deux groupes et à la même appartenance nationale. Toutefois, leurs relations ne sont pas dénuées de difficultés. Nous notons que l’acculturation vécue par les métropolitains est particulière, puisqu’elle a lieu au sein d’une population martiniquaise en mouvement, en changement. Ce cheminement ne facilite pas l’insertion d’un groupe extérieur, d’autant qu’il s’agit de métropolitains, représentants de la société qui est à l’origine de leurs bouleversements. Ce contexte sociétal particulier, associé aux nombreuses réticences des métropolitains à accepter les différences rencontrées, ne facilite pas son entrée dans la dynamique sociale de l’île. D’autant que les modes et les occasions d’échange avec la population locale sont rares, surtout lorsqu’ils ne sont pas souhaités.

Néanmoins deux éléments sont obligatoirement à prendre en compte par les métropolitains s’ils souhaitent vivre sur l’île, un certain temps. Il s’agit des temps et des rythmes en vigueur en Martinique. Ils doivent adopter des attitudes et des comportements différents que ceux qu’ils ont en France car la population locale ne réagit pas de la même manière. Ces modalités de fonctionnement admises et acquises, nous constatons que certains métropolitains peuvent vivre en Martinique, sans bouleverser certaines habitudes métropolitaines, et par conséquent ne pas subir les us et coutumes culturels qui les environnent. Dès qu’ils se trouvent confrontés à cette culture (par quelque moyen que se soit), la résignation prend le pas sur la compréhension, et ils classent les différences qu’ils rencontrent au rang des clichés qu’ils connaissent de cette culture. Nous notons que ces personnes vivent en périphérie de la société martiniquaise, pour cela elles s’adossent, uniquement, sur les modalités administratives et économiques de la Martinique, département français.

A l’opposé certains métropolitains parviennent à entrer dans la société locale en apprenant ses codes culturels. Nous pouvons alors parler d’intégration à la culture créole, puisque le métropolitain à la volonté de se « créoliser », la communauté locale les accepte. Ces métropolitains qui arrivent à dépasser les obstacles établis par la société martiniquaise, sont parfois plus acceptés par les locaux que les originaires expatriés en France et qui reviennent quelques années plus tard : « métropolisés». Enfin certains tentent de rentrer dans ce nouvel univers, mais se heurtent à des barrières culturelles qu’ils ne sont pas en mesure de dépasser, et ne trouvent aucun soutien d’accompagnement dans leurs tentatives d’entrée dans cette société.

Par rapport à notre hypothèse de départ, nous constatons qu’il n’existe pas qu’une seule attitude et qu’une seule solution face aux difficultés d’adaptation rencontrées, mais trois.

Nous pouvons affirmer que quelque soit l’attitude adoptée par les métropolitains, qui s’installent sur l’île et qui constatent que des différences culturelles existent, que tous doivent s’adapter à leur nouveau cadre de vie. Ne serait-ce qu’en étant contraints par les éléments qui s’imposent à eux.

En généralisant, nous pouvons dire que la population métropolitaine, ne s’intègre pas en Martinique. Hormis quelques personnes qui parviennent à dépasser les différentes difficultés qui existent dans le processus d’acculturation. Mais elles ne peuvent s’intégrer que dans un cercle de connaissances locales : une famille, ou à l’échelle d’une commune ; mais elles ne peuvent pas réussir à s’intégrer au niveau de l’ensemble de la population. Parce que, leur apparence physique, et tout ce qu’elle évoque, est la première chose que les martiniquais perçoivent. Elle est par conséquent l’un des premiers jugements de valeur qu’ils doivent subir de la part de la personne qu’ils ont en face d’eux.

Nous avons décelé que les métropolitains ne peuvent pas adopter les traits culturels de la société qui les reçoit, car celle-ci leur procure une angoisse et inquiétude importantes. Car prendre en compte les traits culturels de cette société les déstabilisent et bouleversent leurs acquis. Nous observons que l’échelonnement des obstacles disposés par les martiniquais afin d’obstruer l’entrée des métropolitains au sein de leur culture, est un procédé pour démontrer leurs différences d’avec la France et d’affirmer leur existence.

Dans le discours, ces explications ne transparaissent pas, chacun reporte la faute sur l’Autre, en se situant dans la position de victime. Les métropolitains reprochent aux martiniquais de ne pas vouloir d’eux sur l’île, et les martiniquais accusent les métropolitains de s’installer en Martinique uniquement pour venir faire de l’argent, à leurs dépends.

Nous constatons que dans cette situation, chacun trouve son compte à garder ces distances avec l’Autre. La position de victime dans laquelle chacun se conforte et la transmission de stéréotypes, finissent par persuader les uns et les autres, que ce sont effectivement ces raisons qui les amènent à ne pouvoir que cohabiter.

On arrive alors dans le cas où les uns et les autres se résolvent à vivre dans cette situation. Les métropolitains se résignent à vivre dans l’inacceptable : la non intégration de leur personne dans la société martiniquaise. Ceci est possible, par leur refuge dans des loisirs et des divertissements qu’ils partagent avec d’autres métropolitains, ce qui les amène à se regrouper entre eux. Tandis que pour les martiniquais, cette situation leur permet de masquer ce qui les effraient le plus, à savoir : qui ils sont, qu’est ce qu’ils représentent aux yeux des Autres ? Ils s’efforcent, de se distinguer au quotidien des métropolitains (symbole de la culture à laquelle ils sont rattachés), ils se donnent une identité propre, une existence. Ils évitent de se confronter à eux-mêmes et de se retrouver face à la peur que la déculturation provoque.

Ces positionnements ont un effet pervers pour les uns et les autres.

Pour les métropolitains ces constantes résignations ne peuvent leur permettre de vivre sur l’île qu’un temps, au risque sinon de dériver vers certaines pathologies psychologiques. Les martiniquais, en se distinguant des métropolitains, accentuent leur tendance à se regrouper entre eux et à vivre sur les structures françaises dont la société martiniquaise est pourvue. Ils reproduisent, avec quelques adaptations nécessaires à leur vie sur l’île, leur quotidien métropolitain.

Le constat de cet effet pervers nous amène à nous interroger sur l’avenir de la société martiniquaise. Les métropolitains peuvent-ils vivre et s’installer sur l’île, en ignorant la culture en vigueur ? Nous savons que celle-ci est déjà amoindrie par la fuite d’une partie de sa population vers la métropole, dont ses jeunes intellectuels.

Nous pouvons nous demander si les obstacles qu’elle met en place pour se protéger à savoir : l’obligation faite aux métropolitains qui souhaitent être intégrés d’apprendre les codes culturels locaux, ainsi que la pression qui est exercée sur ceux qui ne font pas cette démarche (les conduisant à ne pouvoir rester sur l’île qu’un temps), sont des contraintes suffisamment efficaces, pour lui permettre de survivre à son assimilation et ainsi de pérenniser sa culture ?