Chapitre un : Les Contextes

 

 

 


1. Le contexte historique

 

Il nous semble essentiel, avant toute chose, de faire un bref rappel historique, car comme chacun sait les sociétés d’aujourd’hui résultent de leur passé. Il faut donc étudier celui-ci pour s’apercevoir que la Martinique est une île qui apparaît comme une « zone de confluence et d’interpénétrations »Benoist, Jean, 1975, Les composantes raciales de la Martinique. Connaître la société martiniquaise d’aujourd’hui par le rappel des antécédents qui font qu’elle fonctionne ainsi de nos jours, va être impératif dans la présente étude, afin de comprendre le cadre dans lequel arrivent les métropolitains. Nous allons d’ailleurs accentuer cette étude contextuelle à partir de la départementalisation, changement de statut ayant considérablement bouleversé la structure existante, mais aussi point de départ de l’immigration métropolitaine sur l’île.

 

1.1. Rappels

Ces conditions historiques, la colonisation française et la traite d’esclaves, qui ont fait d’elle un carrefour culturel et racial. Pour bien appréhender les origines complexes de la population de l’île, mais aussi pour saisir les proportions dans lesquelles plusieurs groupes humains ont participés à son élaboration, il faut reprendre très succinctement leur enchaînement d’encrage dans l’île.

On voit premièrement succéder aux Arawaks, les Indiens Caraïbes qui déciment ces premiers habitants. Puis les Européens arrivent. Ils éliminent, à leur tour, ces seconds et amènent par la traite, les Africains. Après l’abolition de l’esclavage en 1848, d’autres populations immigrées s'adjoignent à la population de l’île. Il s’agit tout d’abord des Indiens, puis des Syriens et des Libanais et enfin quelques groupements Chinois. Mais c’est principalement par le métissage entre Européens et Africains que se constitue la base de la population antillaise.

Après ce bref rappel, nous allons reprendre l’évolution historique de la Martinique à partir de la départementalisation, socle de formation des contextes dans lesquels sont accueillis les premiers métropolitains.

 

1.2. La départementalisation

L’abolition de l’esclavage et la fuite par les anciens esclaves des plantations sucrière, entraîne l’apparition de cultivateurs là où une potentialité agricole est suffisante. Cependant, bien qu’émancipés, les Noirs, ne vivent que difficilement et leur condition sociale est très précaire. Ils vivent plongés dans un sous développement.

La grande récession mondiale de 1929 provoque le retour des migrants (partis à l’abolition de l’esclavage dans les îles voisines), et accentue la crise sociale, déjà latente dans les Petites Antilles. Au sortir de la seconde guerre mondiale (durant laquelle la France avait laissé seule la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane survivre de façon autonome), la pression démographique conjuguée à la déficience de l’environnement économique et sociale plongent la région caraïbe, d’une manière générale, dans un profond désarroi.

C’est dans ces conditions que la France, avec la volonté des martiniquais, fait de la Martinique le 19 mars 1946 (ainsi que la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion) un département français. Par cette loi du 19 mars 1946, dite la loi de l’assimilation adoptée par l’Assemblée Nationale Française, la Martinique devient un département français d’outre mer (DOM), et est donc dotée d’un Conseil Régional et d’un Conseil Général. Bien que ce nouveau statut apporte une certaine richesse économique, la situation sociale ne s’améliore que lentement aux travers de conflits sociaux. Si on peut noter l’enregistrement de progrès notables dans le domaine social, il est force de constater que la marge de manœuvre des locaux est toujours conditionnée par la métropole qui continue d’influencer la vie économique et politique de l’île. De même, que pour la population, les blancs créoles (descendants des premiers colons) constituent toujours les propriétaires terriens, et les détenteurs de l’économie locale.

 

1.3. Conséquence de la départementalisation et programme d’assimilation

Depuis 1946, la Martinique fait donc partie d’un programme d’assimilation à la France. Grâce à celui-ci le niveau de vie est amélioré et l’ensemble de la population peut avoir accès au système éducatif. L’objectif de la mise en place de ce programme est de permettre au département « Martinique » de se retrouver au même niveau de développement (économique, culturel…) que l’ensemble des départements hexagonaux.

Cependant, dans cette volonté d’assimilation est aussi sous entendue l’inculcation du modèle culturel français. En conséquent, lors de son application, les particularités culturelles que possède cette population, sont niées. La Martinique, bénéficie de tout ce dont dispose la France. La départementalisation interfère à tous les niveaux de la vie culturelle et de la structure de la société, en modifiant radicalement le substrat économique ainsi que les rapports sociaux. Des incohérences apparaissent, par la suite, dans l’élaboration identitaire des martiniquais. Un exemple d’incohérence : le système scolaire mis en place dans l’île est directement importé du modèle pédagogique métropolitain. La transmission du savoir, par les enseignants, s’effectue en français, ce qui pose des problèmes d’apprentissage à une partie des élèves dont le français constitue une langue seconde. La situation quasi exclusive de dépendance de la Martinique à la France, implique l’approvisionnement de l’île en manuels scolaires et autres documents pédagogiques, qui relatent l’histoire et la géographie de France. Or le milieu naturel et humain dans lequel évoluent ces enfants est totalement différent de celui présenté dans les manuels. En conséquence, la majorité des jeunes martiniquais se sentent étrangers dans leur propre pays. Cet imbroglio, n’est résolu que depuis peu, par la création d’un manuel d’histoire spécifique à la Martinique (à l’initiative, d’ailleurs, d’enseignants locaux), pour le primaire et le collège. L’accès de la Martinique à la départementalisation engendre une « érosion » globale de ses particularités. Cette érosion est ressentie comme une menace de perte d’identité, de langue, de culture par ceux qui vivent ces changements. Ils atteignaient les secteurs les plus profondément intériorisés de leur identité collective.

La départementalisation, engendre des progrès appréciables tant au niveau de l’économie des ménages et de l’hygiène. Parallèlement ce programme d’assimilation provoque une nouvelle crise identitaire créant une ambiguïté au niveau culturel, économique et politique de l’île.

Les élites intellectuelles locales, comme Aimé Césaire, qui est l’un des premiers à oser revendiquer l’identité Nègre de l’homme antillais, suivi de Frantz Fanon, qui montre le paradoxe que vivent tous les martiniquais en tant que noirs se pensant blancs, puis d’autres écrivains célèbres tels que Edouard Glissant, ou plus récemment Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant…, tentent d’aider la population locale à réfléchir sur la question de leur identité, et à la revalorisation de leur culture créole.

 

2. Le contexte économique

 

Au niveau économie, nous pouvons constater que cette île est toujours dépendante de la métropole. Colonie, ou quelques années plus tard, département français, la Martinique, produit toujours selon les injonctions de sa mère patrie, la France.

C’est pour cela que nous allons principalement nous attarder sur l’économie de ce dernier statut.

 

2.1. L’économie de la départementalisation à aujourd’hui

La départementalisation, provoque des bouleversements. La plupart des réglementations se calque sur la métropole, qui soutient économiquement la Martinique. Par conséquent le niveau de vie augmente subitement. Cette augmentation se fait notamment par l’acquisition des aides sociales, telles que les allocations, pour la population de l’île. De nombreux fonctionnaires sont recrutés, et la construction de routes, et d’hôpitaux, permet l’embauche abondante d’ouvriers locaux. Tout ceci sert à développer sur place une société de consommation. Hors celle-ci est déséquilibrée, puisque paradoxalement c’est une société de consommation sans production. La seule production de l’île, qui est celle des plantations, elle, diminue de plus en plus, par manque de rentabilité, mais aussi, en raison d’un alignement des salaires ouvriers, à ceux de la métropole, souvent trop élevés pour les propriétaires. Dès lors pour maintenir la production locale il faut la subventionner. Au niveau industriel, la Martinique dispose seulement d’entreprises de transformation de la production de base, c’est-à-dire la canne à sucre en sucre. Les freins à l’industrialisation de l’île sont : le peu ou la pénurie de matière première, une main d’œuvre sous qualifiée, un manque d’infrastructure de base et l’absence de marché extérieur (le marché intérieur étant lui-même souvent insuffisant). Plus tard dans les années 80, la métropole cherchera, à redynamiser l’île, notamment, par le développement du secteur tertiaire, et par le tourisme. A cette fin, elle mettra en place des lois de défiscalisation pour inciter les entreprises à venir s’implanter en Martinique.

Il s’installe ainsi une croissance, qui n’en est pas une véritablement. En effet nous observons, en fait, l’arrivée d’une nouvelle société se superposant à celle de la plantation. La population, qui préfère bénéficier du chômage au lieu d’effectuer les tâches difficiles du travail de la plantation, établit un passage de l’une à l’autre. S’installe, alors, un jeu pervers où les rentrées d’argent nuisent aux productions locales, dont les produits sont vendus plus chers que ceux qui sont importés.

Seuls, les blancs créoles de l’île, qui sont ceux qui possèdent l’argent, réussissent leur reconversion. Ils investissent dans les entreprises d’imports-exports, les galeries commerçantes, le tourisme, et dans toutes les nouvelles productions. Ainsi les moyens de développement changent, mais la hiérarchie sociale reste la même.

Aujourd’hui, on constate que la Martinique est sous perfusion économique de la métropole, car elle ne produit que très peu par rapport à ce qu’elle consomme. Le taux de chômage y est important (CF annexes 1), l’économie locale très faible, et les personnes ouvrant droit aux aides sociales (allocations familiales, aides aux logements, etc…) représentent une majorité de la population. Le coût élevé de la production agricole, le manque de débouchés commerciaux, au niveau régional et international, la concurrence avec les îles voisines ayant les mêmes productions, constituent les véritables handicaps à l’amélioration de l’économie locale.

En revanche, il existe dans l’île une économie informelle qui fonctionne très bien. Elle est basée sur les relations de services, des petits « jobs » rémunérés sans intermédiaires communément appelés « au black ». Cette économie là permet à la population de s’assurer un certain niveau de vie. Elle n’est pas récente. Michel Leiris en 1955 en parle déjà en ces termes : « Les classes moyennes ont généralement un emploi et ont une activité en plus, une boutique, un cinéma, […] Aux degrés inférieurs de l’échelle sociale, cumuls ou alternances d’occupations s’avèrent encore plus fréquents, et presque de règle en bien des cas. »Leiris Michel, 1955, Contact de civilisation en Martinique et en Guadeloupe, p 35.

 

3. Les données politiques

 

Avant toute chose, il est nécessaire de préciser ce que nous entendons par « politique », ce terme ayant plusieurs sens. Nous ne traiterons, ici, que le sens du nom politique selon la définition suivante : « ensemble des options prises par le gouvernement d’un état dans les domaines relevant de son autorité. » ; nous retenons en conséquence les trois pouvoirs essentiels qui organisent la vie de l’état : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Nous essaierons de voir comment en Martinique ils s’appliquent.

En raison de son passé de colonie, la politique de l’île, tout comme l’économie, n’est pas décidée par elle, mais dépendante des lois établies par la métropole.

 

3.1. De la départementalisation à aujourd’hui

La départementalisation, est l’annonce d’un nouveau statut pour la Martinique, elle fait maintenant partie de la France au même titre qu’un département continental. C’est aussi un nouveau statut pour la population. Car il apparaît un alignement des règlements, jusque là coloniaux, sur les lois appliquées en métropole. La départementalisation rétablit donc, en théorie, l’égalité entre ces deux populations. En réalité les anciens préjugés issus de l’héritage esclavagiste continuent encore aujourd’hui (à un moindre degré) d’exister. La couleur de la peau reste encore un critère de hiérarchie dans l’échelle sociale.

La Martinique en tant que département français d’outre-mer a un double statut. Elle a la particularité de ne pas être simplement intégrée à la métropole, mais assimilée en tant que département (loi du 19 mars 1946) et région (loi du 31 décembre 1982). Les régions d’outre-mer sont « monodépartementales »Taglioni François, 1995, Géopolitique des petites antilles. Influences européennes et nord américain, p 66., particularité qui se traduit par une superposition de collectivités (région et département). En effet, la Martinique est incorporée au champ institutionnel de l’Etat français. Elle ne bénéficie d’aucune autorité particulière car le gouvernement français est responsable des organes législatif, exécutif, et judiciaire. Depuis la loi du 2 août 1984, elle profite de la décentralisation, au même titre que les autres régions françaises, avec cependant des mesures d’adaptations rendues nécessaire par sa situation particulière. Toutefois l’assimilation de la Martinique à la métropole n’évite pas la formation de groupes indépendantistes. Bien que représentants une minorité politique, ces groupes ont une certaine influence dans l’île surtout dans les années 70, 80.

Aujourd’hui l’accès aux mairies de l’île est exclusivement réservé à des individus de la population locale, ainsi que les postes de maires et les postes à responsabilités politique. Les métropolitains et les békés n’y sont pas souhaités.

 

3.2. La Martinique dans l’Europe

En raison de son appartenance institutionnelle à la France, la Martinique, est une région européenne. De fait dès la création de la CEECEE est la Communauté Economique Européenne., les DOM ont été intégrés à l’Europe (Article 227-1 du Traité de Rome). Cependant, le gouvernement français peut intervenir pour obtenir l’adaptation de certaines mesures s’appliquant d’office aux DOM sans tenir compte de leurs spécificités. L’application systématique des réglementations européennes dans les départements français d’outre-mer risquerait d’aggraver leur économie déjà fragile. Pour pouvoir être compétitive sur le grand marché européen la Martinique doit fournir plusieurs efforts. Elle doit premièrement rattraper son retard par rapport à l’Europe, et deuxièmement différencier ses productions d’exportation en les adaptant à la demande européenne. Cela n’est possible qu’en renforçant les structures de production agricoles, industrielles et artisanales. Dans l’immédiat, malgré les efforts français et européen, il ne semble pas que la Martinique, ainsi que les autres départements d’outre-mer, ne soient pas prêts à cette échéance.

De plus, l’assimilation des DOM à la métropole française constitue la solution politique la plus radicale à leur exclusion des îles de la Caraïbe et d’un système structuré entre elles. Le corollaire de cette assimilation a eu pour conséquence d’isoler de façon aigue les îles françaises du reste de l’espace caribéen.

En conséquence, les contraintes de l’insularité, le morcellement économique, politique et humain, ainsi que les structures héritées du passé, contribuent à maintenir la Martinique, ainsi que les autres départements d’outre-mer, dans un état de dépendance fort qui produit une surconsommation. Ces sociétés ne bénéficient donc que des artifices qu’engendre le développement.

 

4. Les métropolitains dans ces différents contextes

 

Après avoir replacé la Martinique dans ces divers contextes, nous allons maintenant mettre en exergue la place qu’occupe le métropolitain dans chacun d’eux. Nous allons dégager quelle est son arrivée historique, dans cette société martiniquaise, mais aussi voir quelle place économique a-t-il au sein de ce système, et enfin détient-il une influence politique dans l’île.

 

4.1. L’arrivée historique des métropolitains

Historiquement la dénomination de métropolitain, n’est apparue que vers les années 1960. Jusque dans ces années là, il n’existait pas de communauté de métropolitains, seulement quelques gens de passage, pas de groupe identifiable. Les termes employés, alors, pour parler de ces personnes venues de France, étaient : « européens » ou « blancs France ». Au travers de ces premiers termes, la caractéristique physique des individus est directement annoncée, et par cela même, est inclue une forme de subordination. Le blanc est quelqu’un que l’on respecte, (héritage de la situation de domination que la population a subi). Il vient de France pays mythique des bonnes manières et de la culture française. Mythe entretenu par les békés, mais aussi par les personnes qui y ont séjourné (ils reproduisent cette idée de la France, même lorsque leur séjour s’est mal passé).

L’arrivée des métropolitains en Martinique, commença à prendre une certaine importance, avec le début de la départementalisation. La mise en place du département nécessite des structures institutionnelles et du personnel. N’ayant pas sur place de personnel qualifié, des fonctionnaires de métropole sont mutés en Martinique, pour assurer tous les postes à responsabilités. Avant la départementalisation certains métropolitains vivent déjà en Martinique mais ils sont en nombre très réduit, et ils se fondent dans la population. Ils sont d’ailleurs considérés par elle comme « de vrais martiniquais »Lucrèce André, 1994, Société et modernité. Essai d’interprétation de la société martiniquaise..

Les premiers fonctionnaires à être mutés sur l’île, sont très appréciés de la population. D’une part parce qu’ils arrivent avec une certaine position sociale, respectée, mais aussi parce qu’ils n’hésitent pas à aller au contact de la population, du moins dans les premiers temps, contrairement aux Békés qui entretiennent sur eux toute sorte de préjugés. Par la suite, cette population se rapproche irrémédiablement du groupe des békés, « certainement plus attirés par les soirées mondaines qui s’y déroulaient »Leiris, Michel, 1955, Contact de civilisation en Martinique et en Guadeloupe.. Cependant, ces fonctionnaires sont de passage et ne peuvent pas être identifiés comme un groupe (mutation inférieure à trois ans). Leur minorité leur vaut la sympathie des martiniquais.

Vers les années 1960, le nombre de métropolitains augmente. Ils exercent des fonctions publiques (civiles ou militaires), ou ils appartiennent au clergé, ou bien ils occupent des postes de cadre dans les entreprises, dans les banques, dans les commerces… Avec l’augmentation de ces arrivées, les métropolitains commencent à former entre eux des regroupements. C’est à partir de ce moment là que sont employés les termes de « métropolitains » ou de « z’oreilles » pour parler de ce groupe à présent identifiable. Dans la formulation de ces nouvelles appellations, utilisées plus communément par les générations issues de la départementalisation, il est sous entendu une notion péjorative. Les métropolitains deviennent de moins en moins des individus appréciés, cependant avec un degré moindre que les békés. Cette distinction repose sur la différence de leurs préjugés vis-à-vis de la population de couleur. Le métropolitain qui a vécu en Métropole et reste en situation d’étranger, n’a pas la même représentation que le blanc créole, béké, empreint de la tradition colonialiste. Malgré sa qualité de blanc, il n’est pas inséré dans les catégories locales. Son rapport avec les uns et les autres n’est pas influencé, par conséquent, par cette hiérarchie socio raciale, dans laquelle il n’est pas inclus. Cependant ses attitudes et comportements, eux, seront expliqués et attribués à sa couleur de peau.

 

4.2. L’intérêt économique des métropolitains sur l’île

Actuellement les métropolitains en Martinique ne représentent que quelques milliers d’individus. C’est un groupe minoritaire, sa représentation dans la population totale est estimée à environ 4%. Cependant il n’est pas facile à recenser parce qu’il est constitué en majorité de personnes de passage sur île. Ce groupe est sans cesse en mouvement.

Néanmoins les métropolitains, malgré leur petit nombre, interviennent dans l’économie locale sur différents points :

Premièrement cette population venue de France possède un pouvoir d’achat important. Beaucoup sont fonctionnaires et bénéficient, ainsi des 40% de salaire en plus, en rapport au coût de la vie locale plus élevé qu’en métropole. Selon le poste occupé par l’individu (souvent cadres), son salaire peut devenir, avec cet avantage, vraiment conséquent. Les investissements étant défiscalisés par l’Etat pour une durée de cinq ans, nombre d’entre eux, font construire leur maison en Martinique, ou en achètent une. Le métropolitain fait ainsi, des économies d’un coté, a un salaire plus important de l’autre, et peut se permettre de consommer. Leur consommation est généralement dirigée vers les activités qu’offre l’île, comme tous les sports d’eau, et de mer, mais aussi le tourisme dans les îles voisines, et enfin les activités nocturnes, comme les bars et autres boîtes de nuits.

Deuxièmement, par les postes à responsabilités qu’ils occupent, ils impulsent, souvent, une dynamique de travail importée de la métropole, basée principalement sur le rendement et la compétitivité. D’autres, voyant un créneau commercial non exploité, n’hésitent pas à monter leur entreprise, créent de nouveaux débouchés, et ainsi insufflent un nouveau souffle à l’économie locale.

Enfin, troisièmement, ce sont eux qui détiennent la plupart du commerce lié au tourisme. Que se soient, des hôtels, des restaurants, des bars, des boutiques d’objets souvenirs, jusqu’aux stands de bijoux en bord de plages, tout ce marché leur appartient. Ils entretiennent, par ces activités là, le côté exotique de l’île qui fait fonctionner le tourisme, devenu une source importante de revenus pour l’île.

 

4.3. Le métropolitain et la politique

Le métropolitain a un statut particulier par rapport à la politique.

Historiquement, nous l’avons vu, la politique locale était conduite par les descendants des premiers colons, les békés. Les Noirs leur reprirent massivement ce pouvoir, à partir de la départementalisation, en élisant aux mairies des communes, des personnalités locales de couleur. La politique, ainsi récupérée, est devenue une source de pouvoir très importante pour cette communauté, dirigée durant les siècles d’esclavage par la population blanche. Ces postes de maires, de conseillers généraux, et régionaux, sont par conséquent ressentis, par la population de couleur comme une revanche sur l’histoire.

Pour cette raison, l’accès à la politique pour les métropolitains est difficile voire impossible. Ils peuvent faire partie, de liste électorale, toutefois, sans jamais espérer obtenir un poste à responsabilité. Leur participation est, alors acceptée, voire même appréciée, comme nous le verrons dans les chapitres suivants. L’engagement des métropolitains dans la politique se lit aussi dans leur syndicalisation. Néanmoins, rare sont ceux qui osent s’engager dans ces actions politiques qui prennent très souvent, des tournures de lutte socio raciale.

A part, ces personnes volontairement engagées dans la politique, les métropolitains peuvent aussi être victimes de la représentation que la population se fait d’eux. Les békés, propriétaires de nombreuses entreprises dans l’île, emploient, généralement à la gérance de leurs affaires des métropolitains. Lors de conflits sociaux se sont ces derniers qui se retrouvent aux tables de négociations face aux syndicalistes. Dans cette position délicate, où la dichotomie noir/blanc est clairement visible, les métropolitains sont piégés dans le jeu de la distinction de couleur vers lequel le conflit peu à peu tend. Ils se retrouvent assignés dans le camp adverse des ouvriers, et donc de la population entière qui s’identifie, pour l’occasion, à eux. Par symétrie, c’est toute la communauté métropolitaine qui est identifiée aux gérants de l’entreprise. Ainsi le conflit prend une tournure sociétale, qui englobe même ceux qui ne se sentent pas concernés par le débat.

Le métropolitain évoque aussi d’autres représentations dans l’imaginaire de la population martiniquaise. Il arrive de la métropole, où se concentrent tous les pouvoirs étatiques. Lors de protestions contre les décisions du gouvernement, qui est distant de plus de 7 000 Km, l’association métropolitains/Etat se fait dans les esprits. Les métropolitains sont alors victimes du mécontentement de la population, qui ne peut être exprimé directement à l’Etat, représenté involontairement par ces derniers. De même, les locaux associent l’image qu’ils se font de la métropole, avec toutes ces vertus, (le travail y est sérieusement accomplit, les gens sont compétents, polis, tout fonctionne à la perfection, elle est source de connaissances, de technicité…), au métropolitain et seront plus exigeants avec lui, parce qu’il évoque le mythe de cette société idyllique.

 

Ce premier chapitre nous a permis de faire un retour rapide sur la société martiniquaise au travers de trois points essentiels l’histoire, l’économie et la politique. Il était particulièrement important de rappeler ces contextes, car le vécu de ces changements a structuré les martiniquais et la Martinique d’aujourd’hui. C’est par cette histoire qu’ils se sont construits. La connaissance et l’étude de celle-ci peuvent nous permettre de comprendre le comportement et les attitudes des martiniquais, notamment vis-à-vis des métropolitains.

Par ailleurs, ces données sur la société martiniquaise situent le cadre que retrouvent les français venus de l’hexagone, à leur arrivée.